Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) - Ille et Vilaine (35)
  • 1er mai 1936 à Saint-Malo, l’état d’esprit des syndicalistes un mois avant le mouvement social

    Nous publions ci dessous le texte de l’"ordre du jour", comme on le disait à l’époque, voté à l’issue du meeting syndical tenu le 1er mai 1936 à la Maison du Peuple de Saint-Malo.

    " Les travailleurs de la région malouine, manuels et intellectuels, saluent en ce 1er mai 1936 la reconstitution de l’Unité syndicale et l’effort fait par la Confédération Générale du Travail pour donner en ce jour de revendication l’éclatante démonstration de la force du Prolétariat.
    Ils saluent aussi la revanche des partisans de la Liberté sur les forces du fascisme, de l’étranglement de nos espérances et de nos programmes sociaux.
    Ils espèrent que ces forces nouvelles respecteront leur parole et comprendront leur devoir pour l’aboutissement du programme du Rassemblement populaire. mais aussi celui de la Confédération Générale du Travail en oeuvrant tout de suite pour que le chômage disparaisse par l’aboutissement de la semaine de quarante heures, la sauvegarde des salaires par les contrats collectifs et par le contrôle ouvrier, revendications contenues dans la résolution du congrès de Toulouse.
    Soucieux de travailler pour la Paix, ils protestent à nouveau contre les armements et la liberté de fabrication des armes dont ils réclament la suppression, ils confirment avec les organisations centrales que seule une action collective dans l’égalité des droits peut maintenir la paix du monde dans le cadre de la Société des Nations.
    En terminant, ils s’élèvent contre la politique de déflation, des décrets-lois dont ils demandent l’abrogation et font un appel vibrant à toute la classe ouvrière du pays malouin pour qu’elle rejoigne l’organisation syndicale et la Confédération Générale du Travail.
    Ils remercient le camarade Godard, délégué de celle-ci, de son superbe exposé et se séparent aux cris de :
    - vive le 1er mai !
    - vive le plan de la Confédération Générale du Travail !
    - Vive la Paix !
    - A bas la guerre !"

    Le Semeur d’Ille et Vilaine 10 mai 1936 (Archives Départementales d’Ille et Vilaine)


    Ce texte - dont l’auteur est vraisemblablement Jean Batas, secrétaire permanent de l’Union des Syndicat de la Région Malouine - présente au moins trois intérêts historiques :

    1. Il permet de se représenter les préoccupations d’alors des dirigeants locaux du mouvement ouvrier malouin au titre desquelles figurent

    • l’importance du processus de réunification syndicale CGT-CGTU mis en oeuvre pendant l’année 1935 et réalisée à tous les échelons locaux, départementaux, fédéraux et confédéral de septembre 1935 à mars 1936 ;
    • l’obsession du danger fasciste qui menace aux frontières (en Italie et en Allemagne) a failli l’emporter en France en février 1934...et qui apparaîtra en Espagne en juillet 1936 ;
    • l’espoir soulevé par le Rassemblement populaire, alliance électorale constituée entre la SFIO, le PCF et le parti radical, et auquel s’est associée la CGT. Le 1er mai se situe entre les deux tours de l’élection législative qui verra le succès de cette coalition. On remarque toutefois l’expression d’une crainte, celle que les partis n’aillent pas jusqu’au bout de leur promesses...
    • le rappel de la thématique pacifiste qui anime de nombreux militants, dont une grande partie sont des anciens combattants de la guerre 1914-1918.

    2. le texte voté ne préssent nullement la vague de revendications ouvrières qui va secouer le pays et s’étendre jusqu’au pays malouin (qui n’est pas à proprement parler un "bastion de la classe ouvrière organisée"), seulement quelques semaines plus tard.

    3. il demeure très "modeste" quant aux revendications posées. Il est remarquable qu’on ne revendique ni les congés payés, ni la représentation ouvrière dans les entreprises, ni les droits syndicaux, ni des augmentations significatives de salaires qui seront acquises le 7 juin dans l’accord Matignon, sous la pression de la vague de grèves avec de multiples occupations d’usines.

    Comme quoi, un mouvement de contestation sociale, dès lors qu’il survient dans un contexte de crise politique (en 1936, le gouvernement Laval et ceux qui l’ont précédé sont largement discrédités par leur politique de régression sociale), qu’il réalise l’unité et adopte des formes de luttes radicales, peut en quelques semaines "renverser la table".....N’y aurait-il pas là quelques enseignements de l’histoire à méditer ?

    NB : le "camarade Godard" est un dirigeant de la fédération postale venu de Paris animer le meeting de Saint-Malo (qui ne semble pas avoir réuni un grand nombre de travailleurs, bien que ceux-ci aient d’une manière générale, appliqué la consigne de chômer). Godard prendra également la parole le soir à Dinard où un meeting a été également organisé.

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