Jeudi 28 mai, une deuxième journée de grève a vu se manifester la colère des personnels des 38 hôpitaux de l’AP-HP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris). Des milliers de manifestantEs ont scandé devant le siège de l’AP-HP « Pas touche à mes RTT » et « Retrait du projet ».
La réponse du directeur-général, Martin Hirsch, a été pathétique : « ma main est tendue »... sauf qu’il fait un bras d’honneur au personnel en maintenant son plan et en proposant à l’intersyndicale de négocier… sur la titularisation d’une poignée de CDD (alors qu’il y en a 10 000 à l’AP-HP !) et « un meilleur accès au logement ». Décidément, Hirsch n’est dans cette affaire que le petit soldat de Marisol Touraine, dont il a « toute la confiance », et du gouvernement. Sa mission : supprimer massivement les RTT et divers jours de congés spéciaux des personnels, pour faire de nouvelles économies massives sur le dos des personnels.
La rhétorique de la direction est particulièrement hypocrite : « nous devons supprimer des RTT pour sauver 4000 emplois » (comme si ce plan n’allait pas servir justement à supprimer des emplois), « vous ne pouvez plus prendre les RTT auxquels vous aviez droit vu le manque de personnels » (donc autant les supprimer !). Elle a vite été relayée par la dureté des méthodes anti-grève : assignations massives de grévistes (8000 la seule journée du 28 mai), pressions, notamment sur la question des retraits sur salaires, et toute une entreprise de culpabilisation, prétendant que l’hôpital est malade des 35 heures… comme s’il n’était pas plutôt en train de crever du sous-effectif chronique.
Les personnels ne sont pas dupes. Jeudi dernier, la manifestation parisienne a été un gros succès, et des cortèges venus de tous les hôpitaux étaient dynamiques et combatifs. Dans les jours qui ont suivi, Hirsch s’est fait chahuter partout où il est allé. En direct de l’hôpital Pompidou (75), une émission de France Inter qui devait lui donner la vedette a été bousculée par l’irruption des personnels qui l’ont hué, et le micro a dû être passé à un représentant du personnel qui a implacablement ridiculisé ses arguments. A Avicenne (93), sous les huées du personnel, il n’a pas pu inaugurer un nouveau bâtiment et s’est retiré en catimini. Enfin, il a renoncé à lancer lui-même une course au départ de la Pitié (75), cela par peur du personnel. Les « Portes ouvertes » de l’AP-HP du samedi 30 ont vu un peu partout des groupes de salariéEs s’adresser aux visiteurs à coups de tracts, de slogans, et de pétitions. La colère est profonde et le mouvement continue.
Dans ce bras-de-fer, la détermination de la direction de l’AP-HP ne fait aucun doute, mais celle des directions syndicales centrales du groupe est plus problématique. Certes, Sud et la CGT ont le mérite de refuser la farce de la « négociation », d’afficher clairement ce que doit être l’objectif du mouvement - le retrait clair et net du plan Hirsch -, et ils ont pour l’instant entraîné sur cette ligne le reste de l’intersyndicale. Mais comment gagner ? Comment aller jusqu’au bout ? Le 28 mai, si la manifestation a eu lieu, c’est parce que des assemblées générales de plusieurs hôpitaux avaient décidé de manifester et même déposé des parcours, ce qui n’était pas dans les plans de départ de l’intersyndicale. Et comme au rassemblement devant le siège il y avait encore des tergiversations, c’est l’envie de manifester des groupes de grévistes les plus déterminés qui a entraîné tout le monde dans la rue.
Pour se donner les moyens de gagner, il faut rendre de plus en plus visible le mouvement et aller chercher des soutiens dans la population. Il faut aussi des assemblées générales dynamiques, où les salariéEs, syndiqués ou pas, prennent leurs affaires en main, ce qui suppose que ces AG soient clairement souveraines. Et pourquoi ne pas y élire des déléguéEs pour constituer une assemblée générale de toute l’AP-HP ?
La prochaine grande journée de grève et d’action est appelée par l’intersyndicale pour le jeudi 11 juin, avec une mobilisation en direction de l’Élysée. Il y a donc du boulot jusque-là, avec plein d’actions locales, pour amplifier et populariser la mobilisation, pour isoler Hirsch et ses commanditaires ! Or le 11 juin pourrait aussi prendre une dimension nationale, à la hauteur de l’enjeu : ailleurs en France, les directions de nombreux hôpitaux ont déjà commencé à s’attaquer aux RTT des personnels. Si le coup de force, massif, de l’AP-HP passe, nul doute qu’il se généralisera dans tous les hôpitaux de France. Des équipes syndicales parties prenantes de la « Convergence des hôpitaux en lutte contre l’Hostérité » travaillent à cela : elles ont déjà organisé des actions de solidarité à Besançon, Rouen, Caen, et à Toulouse, il y a eu une journée de grève et de rassemblement des personnels hospitaliers avec les salariéEs de l’AP-HP. Ce 11 juin pourrait donc bien devenir un grand mouvement de toute la santé.