Une révolution démocratique avec un soutien social massif au sein de l’Union Européenne a été initiée. Cela renforce les possibilités d’avancer vers la République catalane. Un tel objectif exigera un degré supérieur d’auto-organisation populaire et la réalisation d’un processus constituant capable de freiner la
contre-révolution annoncée par le discours du Roi d’Espagne Felipe VI, il y a quelques jours..
Nous appelons toutes les organisations ouvrières, populaires et démocratiques à soutenir la lutte en Catalogne, à dénoncer la répression de l’État espagnol, à faire pression sur leurs États respectifs pour qu’ils reconnaissent l’acte de souveraineté qui est en cours et une éventuelle proclamation de la République catalane ou la déclaration d’indépendance.
Lire ci dessous l’appel du.Bureau Exécutif de la IVe Internationale
4 Octobre 2017
Faisant suite au référendum du 1er octobre en Catalogne et à la victoire du Oui à l’indépendance de la Catalogne, en dépit des grandes difficultés légales, judiciaires et policières imposées par le gouvernement du Parti Populaire, la grève générale du 3 octobre lancée par la gauche syndicale (principalement suivie dans l’administration, le transport et la paysannerie) et l’arrêt de l’activité nationale réalisé par d’autres couches de la population (avec des lock-out dans des petites et moyennes entreprise protestant contre la répression) ont été un succès. Le premier résultat est une victoire du mouvement populaire et un échec du gouvernement de Rajoy qui n’a pas pu empêcher ces deux grandes expressions du mouvement.
Une révolution démocratique avec un soutien social massif au sein de l’Union Européenne a été initiée. Cela renforce les possibilités d’avancer vers la République catalane. Un tel objectif exigera un degré supérieur d’auto-organisation populaire et la réalisation d’un processus constituant capable de freiner la contre-révolution annoncée par le discours du Roi d’Espagne Felipe VI, la nuit dernière.
L’admirable détermination d’une grande partie de la population catalane, qui est parvenue à résister pacifiquement, a infligé une importante défaite politique en Catalogne à la stratégie du régime issu de 1978, sous les yeux du reste du monde. C’est un coup porté au Parti Populaire mais aussi à la stabilité de la monarchie espagnole et de ses principaux agents résultant de la réforme du franquisme que l’on appelle transition. La structure du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE), le parti de droite Citoyens (Ciudadanos/Cs), les appareils militaire, répressif et médiatique de l’État, ainsi que les pouvoirs factuels du grand capital, constituent un bloc de pouvoir qui n’est pas réformable.
Le monarque Felipe VI en tant que Chef de l’État et Rajoy, son gouvernement et son parti corrompu, avec le soutien du PSOE, de Cs et des grands médias ont commencé une campagne calomnieuse, mensongère visant le discrédit du mouvement populaire catalan. Il faut prendre en compte ces circonstances car elles constituent un facteur d’endoctrinement des classes populaires de l’État espagnol (et de l’Union Européenne) qui a pour but de les affronter aux catalans et de les subordonner avec le prétexte de « l’unité de la nation espagnole ». L’objectif de ce bloc de pouvoir est de justifier aux yeux des citoyens de l’État espagnol, et au niveau international, de nouvelles et plus importantes mesures répressives qui peuvent aboutir à l’arrestation des leaders sociaux et politiques catalans, à la fermeture et au silence des quelques médias pas encore bâillonnés, à la suspension des institutions catalanes et au maintien de la présence des forces policières et militaires contrôlées par le gouvernement espagnol, en territoire catalan.
Une rupture institutionnelle hésitante a commencé, qui à coup sûr va se radicaliser sous les coups de la répression de l’État. Il est difficile de prévoir les rythmes et les formules qu’elle finira par adopter, mais l’affrontement est inévitable. Deux éléments sont clés : s’efforcer de maintenir une stratégie la plus non-violente possible, en évitant les provocations, dans le but de ne donner aucun prétexte à un renforcement de la répression et d’éviter la division du mouvement que guette le gouvernement espagnol ; œuvrer à l’extension de la résistance en s’adressant au monde du travail en Catalogne et aussi à une large alliance démocratique, contre la répression, et pour les libertés dans l’ensemble de l’État espagnol, sans oublier la solidarité internationale qui devra être aussi massive que possible.
Depuis les 6 et 7 septembre, il existe deux légitimités et deux ordres juridiques opposés. Le fossé qui les sépare ne peut que s’élargir de manière irréversible. L’absence de clarté, de fermeté et de décision d’une grande partie de la gauche donne des ailes à la contre-révolution et reste un obstacle à l’évolution vers la gauche de la montée républicaine en cours en Catalogne. Les gauches qui se réclament du socialisme et le mouvement ouvrier se trouvent devant le devoir d’assumer leurs responsabilités, en Catalogne comme en Espagne. Le défi est d’impulser un processus approfondissant la rupture démocratique dans tout l’État, tenant compte de la différence de situations et de rythmes entre la Catalogne et le reste de l’État espagnol. En Catalogne, elles devront disputer la direction politique de cette révolution politique naissante, en plaçant les questions sociales, démocratiques, environnementales et émancipatrices au centre du débat constituant qui va s’ouvrir dans les prochaines semaines. Il faudra faire la même chose, le plus vite possible, dans le reste de l’État espagnol. C’est aussi un devoir de la gauche et du mouvement ouvrier, au niveau international, d’organiser de larges campagnes de soutien au mouvement catalan et de dénonciation de la campagne menée par la classe dominante et ses médias contre celui-ci.
Dans cette situation complexe, la participation active de la classe ouvrière et son rôle protagoniste sont fondamentaux pour assurer un processus favorable aux intérêts populaires. La possibilité d’impulser la lutte de la classe ouvrière, avec son propre calendrier, et d’atteindre ainsi une nouvelle hégémonie sociale anticapitaliste, dépend de la capacité du mouvement ouvrier, par rapport au reste des classes sociales, à rompre avec le corporatisme et l’économicisme passif et à agir politiquement pour résoudre une grande question nationale. Il faudra travailler durement pour réduire à marche forcée la distance entre ce qui est nécessaire et ce qui est possible.
La mobilisation de masse à laquelle nous avons assisté le 3 octobre, avec une grève générale qui a paralysé la Catalogne, a bâti le socle d’une irruption croissante du mouvement ouvrier organisé dans le processus politique et de la généralisation des dynamiques d’auto-organisation dans les quartiers (les Comités de Défense du Référendum qui semblent devenir maintenant des Comités de Défense de la République, les localités et quelques centres de travail). La base sociale du mouvement est en cours de massification, les partis nationalistes, l’Assemblée Nationale Catalane et Omnium Culturel, qui jusqu’au mois dernier avaient mené le « processus indépendantiste » de manière exclusive, sont en présence aujourd’hui de la montée en puissance de secteurs plus dynamiques, ouvriers et radicaux.
La crise en cours ne se limite pas à une rébellion catalane, elle est en plus une crise de l’État dans laquelle la gauche conséquente, pour l’instant minoritaire (nos camarades de Anticapitalistas, des courants significatifs de la gauche syndicale, Podemos, les partis du changement et les courants nationalistes de gauche), et l’ultra-droite ont lancé une course contre la montre pour occuper la rue. Il est probable qu’à court terme les forces bénéficiaires de la crise soient celles de l’ultra-droite dans le reste de l’État espagnol. De là, l’urgence est à l’ouverture d’un deuxième front par les gauches émergentes qui, afin de soulager la pression répressive sur la Catalogne, devront se montrer capables de prendre des initiatives contre la répression et pour la rupture avec le régime de 1978. La nature du bloc de pouvoir qui contrôle ce dernier contraint à l’affronter pour défendre efficacement les libertés et une perspective destituante/constituante.
Nous sommes confrontés à une bifurcation historique entre le respect de la légalité et le respect et l’approfondissement de la démocratie. Les attitudes conciliatrices et les appels abstraits au dialogue ne trouvent, pour l’instant, un faible écho chez les acteurs politiques et la population. Il est nécessaire d’établir une action conjointe des gauches et du mouvement populaire catalan contre la répression et pour atteindre les objectifs démocratiques.
Ce qu’on appelle « unilatéralisme » du référendum catalan n’est pas incompatible avec la recherche de solidarités et de synergies avec des forces démocratiques et populaires de l’ensemble de l’État espagnol et au niveau international. Dans ce sens, sans rupture(s) constituante(s) dans l’ensemble de l’État espagnol, il est de plus en plus évident que l’autodétermination en Catalogne sera étouffée et que le changement de régime ne sera possible en Espagne à défaut d’une issue démocratique et fraternelle aux aspirations catalanes.
A l’occasion du 50e anniversaire de l’assassinat de Che Guevara, exemple de révolutionnaire avec une vision internationaliste, il convient de prendre conscience que le temps de rompre avec la dialectique réactionnaire qui entraîne l’Europe et le monde s’épuise et que cela affecte toutes les régions de la planète. « Golpisme » institutionnel en Amérique Latine, populisme raciste et islamophobe en Europe et aux États-Unis, jihadisme fascisant au Moyen Orient… menacent le monde entier et rappellent le chaos géopolitique d’époques antérieures.
C’est pour cela qu’il est fondamental de soutenir le processus catalan dans la mesure où il est l’exemple de désobéissance civile de masse le plus impressionnant des dernières décennies et qu’il constitue un véritable laboratoire pour les révolutions populaires du XXIe siècle qui pourraient contribuer à rompre la spirale vers la barbarie dans laquelle nous maintient la décadence du système capitaliste mondial. A un moment où les travailleuses et travailleurs et les classes populaires sont en train de subir de graves attaques, notamment contre les droits démocratiques, portées par les capitalistes dans toute l’UE, la rébellion du peuple de Catalogne est un signe d’espoir pour que les opprimé.e.s et les exploité.e.s retrouvent confiance dans l’action collective.
Le drapeau catalan s’inspire directement du drapeau des révolutionnaires cubains de la fin du XIXe siècle. Cela dépasse la simple anecdote historique. Ces révolutionnaires ont mis en déroute l’armée coloniale espagnole de l’île, une défaite qui allait contribuer décisivement à la ruine de la première restauration des Bourbons. Il est sûr que la lutte en cours en Catalogne atteint gravement leur deuxième restauration et qu’une victoire républicaine permettrait d’entrevoir un nouvel essor du mouvement populaire et une actualisation de l’horizon anticapitaliste et écosocialiste en Catalogne, en Espagne, et dans toute l’Europe.
Nous appelons toutes les organisations ouvrières, populaires et démocratiques à soutenir la lutte en Catalogne, à dénoncer la répression de l’État espagnol, à faire pression sur leurs États respectifs pour qu’ils reconnaissent l’acte de souveraineté qui est en cours et une éventuelle proclamation de la République catalane ou la déclaration d’indépendance.
Vers la République catalane. Pour l’auto-organisation populaire et la réalisation d’un processus constituant démocratique.