Entretien avec Andreu Coll, membre de la branche catalane d’Anticapitalistas par Antoine Larache (NPA)
Quelle est l’ambiance suite à l’arrestation du gouvernement catalan ?
Puigdemont et ses conseillers sont libres jusqu’au 17 novembre, date à laquelle ils doivent passer devant la juridiction belge chargée d’examiner le mandat d’arrêt. Ceux qui sont en Espagne sont en prison, sans possibilité de libération conditionnelle ou sous caution.
Une grève générale est prévue mercredi 8. La CGT donne à ses membres la liberté d’y participer mais n’appelle pas à la grève. Les grands syndicats n’appellent pas à la grève, mais appellent à manifester. L’intersyndicale Confédération syndicale de Catalogne (CSC) et l’Intersyndicale alternative de Catalogne (IAC) appellent. Les Comités de défense de la République (CDR) préparent la grève, ils sont très actifs, organisent des blocages de routes dans diverses communes. Une assemblée a rassemblé plus de 100 collectifs.
La grève générale risque d’être faible, y compris dans la fonction publique, mais les manifestations vont être massives, notamment grâce à la présence des étudiants.
Samedi 11 novembre, une grande manifestation exigera la libération des prisonniers politiques. Un manifeste a été publié par des intellectuels et d’anciens dirigeants du PS, d’Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), de Catalunya en Comú (CeC), du PDCAT de Puigdemont, de la CUP, de toutes les forces de gauche qui ont appelé à la fin du 155 [article de la constitution de l’Etat espagnol permettant de suspendre l’autonomie de la Catalogne ] et à un vrai référendum négocié avec l’État. Cela exerce une pression sur le Parti socialiste de Catalogne, qui a également vu la démission du maire de Terrassa, une ville ouvrière.
Ces événements modifient-ils les rapports de forces entre les partis ?
Il n’est pas évident que les juges aient la même politique que Rajoy. Dans tous les sondages, on voit que les indépendantistes vont se maintenir ou même se renforcer. Ça peut exploser à la tête de Rajoy, il peut être minorisé, y compris dans le PP, car l’aile la plus droitière estime qu’il fallait appliquer un 155 plus dur et plus interventionniste, et convoquer les élections beaucoup plus tard. Il est possible que l’instabilité globale pousse à des élections législatives au niveau de l’État avant l’été.
À gauche, le secrétaire de Podem, Albano Dante Fachín, a démissionné. Il a dénoncé un 155 de Iglesias [dirigeant de Podemos] contre Podem et prépare une liste pour les élections. C’est dommage que l’initiative soit individuelle, nous avions beaucoup de points communs malgré le fait qu’il ait tenté de soutenir Iglesias à la seconde assemblée citoyenne de Podemos, puis expulsé nos camarades de la direction de Podem en croyant à tort être soutenu par Iglesias. Il l’a regretté par la suite… mais trop tard.
Anticapitalistas a un poids important dans Podem, et nous sommes ok pour un accord électoral avec CeC. ERC souhaite une liste commune avec PDCAT et la CUP (Candidatura d’Unitat Popular) ou rien. Il est possible qu’il y ait un accord entre Podemos et CeC, ce qui est l’orientation d’Iglesias, qui ne veut pas d’accord avec des indépendantistes, en raison de la pression due aux attaques du PSOE contre Podemos et l’état d’esprit violemment anti-indépendantiste qui règne en Espagne.
Nous sommes par contre opposés à un accord de tous les indépendantistes car cela signifierait en pratique un accord avec la droite. Cela n’a pas de sens de mélanger ces voix. Le total des voix indépendantistes sera d’ailleurs plus fort si on ne les mélange pas.
Quelle sera le contenu d’un accord Podem-CeC ?
Il défendra l’autodétermination, un nouveau référendum et le rejet du 155. Il exprimera aussi un refus de la polarisation identitaire, pour mettre en avant la question sociale. En théorie, ce n’est pas mal même si la posture risque de ne pas assumer suffisamment le bras de fer avec l’État central et d’être trop centrée sur les élections et trop extérieure au processus indépendantiste. La logique qui est derrière, c’est que les couches populaires sont divisées. La classe ouvrière industrielle n’est pas du tout indépendantiste à l’heure actuelle.
Nous mettons l’accent sur la nécessité de la République et sur un processus constituant qui soit catalan mais généralisable à l’ensemble de l’État. Nous soutenons l’indépendance, mais pas comme un but en soi : l’indépendance pourrait être un moment vers un accord confédéral avec l’ensemble des peuples de l’État espagnol, basé sur le respect des identités et de la liberté des nations, que seul un changement républicain permettrait d’envisager.
Propos recueillis (le 6 novembre) par Antoine Larrache