Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) L’anticapitaliste - Ille et Vilaine (35)
  • Comprendre la crise bretonne, le mouvement social qu’elle a généré et leurs conséquences politiques

    un article -synthèse à paraître dans le prochain numéro de ROUGE EMERAUDE

    Lire également en document joint une analyse (parue dans notre hebdo , l’AntiCapitaliste) de nos camarades finistériens du NPA sur le Pacte d’Avenir pour la Bretagne, dont il n’est pas indifférent de noter qu’il doit l’avis favorable émis par le Conseil Régional au vote "pour" des 6 élus Front de Gauche - PCF.....

    Depuis la rentrée de septembre, deux piliers du potentiel industriel de la Bretagne, l’agroalimentaire et l’électronique, ont été sévèrement secoués par la crise économique.
    Survenant après les grandes vagues de suppressions d’emplois à Rennes PSA et aux abattoirs DOUX, l’annonce des fermetures de sites à Marine Harvest, Gad, des licenciements chez Alcatel-Lucent, Carl Zeiss Vision, Renesas et les menaces chez Tilly-Sabco…ont constitué un véritable traumatisme.
    Chacun sait maintenant que ce massacre de l’emploi trouve sa source dans la financiarisation de l’économie : dès lors qu’un site industriel ne dégage plus suffisamment de dividendes, il est immédiatement restructuré voire abandonné avec les dégâts sociaux qui en résultent pour les salariés et les territoires. Mais cette crise régionale marque aussi les limites et l’absence de maîtrise d’un type de « développement » fondé sur un productivisme à outrance, davantage piloté en fonction des aubaines financières européennes à l’exportation qu’en considération des compétences agricoles, des besoins locaux et de la protection de l’environnement. Malheureusement pour les patrons et dirigeants de coopératives qui ont été les initiateurs de ce « modèle économique » - et surtout pour leurs salariés et les agriculteurs-éleveurs qui produisent volailles, porcs et bétail -, le capitalisme mondialisé change les règles à sa convenance : aujourd’hui, la transformation agro-alimentaire en Bretagne subit de plein fouet la « concurrence libre et non faussée » et le dumping social pratiqués tant dans les pays dits émergents (Brésil..) que par les européens (Allemagne, Danemark, Pays-Bas…) tirant parti d’une absence d’harmonisation (par le haut) des droits sociaux des salariés de l’Union Européenne.
    Face à ce traumatisme, la première réponse a été celle des salari-ées.
    Rappelons qu’à la mi-octobre, ce sont les salari-ées de Marine Harvest qui ont pris l’initiative en s’adressant au maire de Carhaix dans l’idée de réactiver ce qui avait fait le succès de la dernière grande lutte de la région pour la défense de l’hôpital local. Une salle comble de 600 personnes rassemblait ce 18 octobre, salariés, syndicalistes, élus et citoyens de cette ville de 8000 habitants. C’est à l’issue de cette réunion qu’était décidée une manifestation régionale à Quimper, le 2 novembre.
    C’est cette manif qui à la suite de quelques manipulations, est devenue le « mouvement des bonnets rouges ». Entre temps en effet, devant l’atonie des centrales syndicales et d’une partie de la gauche politique, patrons et dirigeants agricoles se sont engouffrés dans la brèche afin d’utiliser la colère de leurs salarié-es pour exiger tout à la fois de nouvelles subventions, le droit de polluer impunément, des conditions sociales au rabais ainsi que la suppression de l’écotaxe – nouvel impôt aussi injuste que mal ficelé.
    C’est ainsi que le 2 novembre à Quimper, les salari-ées de multiples entreprises, Marine Harvest, Doux, Gad, Tilly-Sabco, la CGT des Marins…se sont retrouv-ées pour défendre leur emploi avec…. des dizaines de milliers de travailleurs, précaires, chômeurs, mais aussi des agriculteurs, des artisans…..
    Certes, l’initiative était confuse. Mais dans la mesure où les partis de la droite et l’extrême droite ne sont pas parvenus à la récupérer, elle ne justifiait ni les insultes (« nigauds », « esclaves ») de l’ex-candidat du Front de gauche à la présidentielle, ni la manifestation de diversion organisée le même jour, à Carhaix par les appareils syndicaux, avec le soutien de certains partis de gauche et l’approbation du PS et de ministres bretons.
    Certes, les patrons bretons, de manière à esquiver leur responsabilités dans la crise, ont habilement développé les thèmes de « l’hypercentralisme français » et « les excès des systèmes bureaucratiques » afin de masquer leur revendication principale, celle d’une Bretagne transformée en zone franche, avec organisation du dumping fiscal et social par région et droit pour le salarié breton de continuer de vivre et travailler au pays grâce à la fin du code du travail !
    Mais, qu’ont fait pratiquement les directions syndicales pour aller au contact de ce mouvement, en prendre la direction afin d’exiger l’interdiction des licenciements, la réquisition des entreprises qui licencient, la confiscation des fortunes patronales accumulées pendant des années sur le dos des salariés ? Quand ont-elles organisé la convergence de toutes les boîtes en lutte ? Même des entreprises emblématiques, Continental, PSA Aulnay, Molex, Florange, elles les ont laissées à leur isolement, préférant organiser des tables rondes pour mendier des « plans de réindustrialisation locale » du même tonneau que le Pacte d’Avenir pour la Bretagne que nous sert aujourd’hui Ayrault.
    Bilan des courses : dans un contexte où mille entreprises ont subi des plans de suppressions d’emplois en 2023, les manifestations syndicales du 23 novembre, éclatées sur quatre villes bretonnes, ne sont parvenues à rassembler guère plus que les publics militants habituels….alors que le rassemblement de Carhaix du 30 novembre regroupait à nouveau environ 30.000 personnes. Rassemblement très populaire et très marqué, comme à Quimper par le fait régionaliste, principalement composé d’ouvrières et d’ouvriers, d’employ-ées, de jeunes et de retraités mais aussi de paysans et de beaucoup de petits artisans et commerçants.
    Durant ces 45 jours qui ont ébranlé la Bretagne, le NPA et singulièrement ses comités du Finistère n’ont eu de cesse, avec quelques autres forces politiques, de faire apparaître dans le mouvement un « pôle ouvrier », exigeant l’interdiction des licenciements, rappelant ses options anti-productivistes et alternatives de gauche. Son discours et ceux des syndicalistes des usines en lutte tranche bien évidemment avec celui de Merret de la FNSEA ou des « jérémiades » de certains se disant accablés par « la rigidité administrative » et « les charges et …taxes »…Et ce mouvement qui, au départ et bien que composée très majoritairement d’exploit-ées et d’opprim-ées n’était pas « chimiquement pur », commence à se décanter. Et demeurant encore très fort, il continue de porter à un niveau de masse les revendications ouvrières.
    L’entêtement des directions syndicales à se positionner contre les bonnets rouges réduit évidemment les possibilités de mettre celles-ci au premier plan d’autant que le Front de Gauche et ses diverses composantes sont absents de ce mouvement (en revanche de nombreux militants y sont). Mais l’affaire n’est pas pliée. Le Pacte d’Avenir pour la Bretagne, concocté par le gouvernement et les notables locaux ne va pas enterrer la mobilisation (voir notre appréciation sur ce « pacte« ci après).

    La classe ouvrière et les salarié-es ont besoin de solidarités concrètes et de perspectives claires, pas de leçons de morale.
    Si confusion et désarroi dans la tête des salarié-es il y a encore, il est de la responsabilité de toutes les sensibilités du mouvement ouvrier de tout faire pour unifier leurs luttes, et ce en Bretagne comme dans tout le pays. La leçon bretonne, c’est l’urgence du front unique de toutes les boîtes, de tous les licencié-es.
    Comité NPA de Saint-Malo

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