La tribune de l’ACIPA : Maintenons nous accusons !
Maintenant, nous accusons !
Tribune des coprésidents de l’ACIPA
Devant le silence assourdissant des responsables face à nos arguments contre le "transfert" de l’aéroport de Nantes-Atlantique à Notre Dame des Landes, devant la poursuite implacable d’un projet inutile, coûteux et destructeur, devant les annonces réitérées de reprise imminente des travaux, nous sommes contraints de dénoncer les comportements irresponsables et condamnables qui ont mené à cette impasse.
Nous accusons de rétention d’informations capitales :
la Direction Générale de l’Aviation civile (DGAC) pour n’avoir toujours pas transmis, malgré l’avis de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) l’étude complète du cabinet JLR conseil sur les gains de temps pour les passagers, étude qui a permis de justifier économiquement le transfert et donc fondé la Déclaration d’Utilité Publique en 2007 ;
la même DGAC pour n’avoir jamais répondu aux questions techniques du CéDpa posées à la fois par l’intermédiaire de la commission du dialogue et en direct lors des réunions de l’automne 2013 ;
l’État qui, même après la signature du contrat de concession avec Aéroport du Grand Ouest, n’a jamais transmis le cahier des charges initial qu’il avait proposé aux candidats à la construction d’un nouvel aéroport.
Nous accusons de manipulations et mensonges :
la DGAC, notamment M. Schwach, ancien sous-directeur, signataire de la convention de financement, et M. Gandil, directeur et supérieur hiérarchique de M. Schwach, pour avoir produit en 2013 deux études partiales pour justifier à nouveau le transfert de l’aéroport. La première étude portait sur la possibilité technique de rester à Nantes-Atlantique en adaptant l’infrastructure, la seconde sur le Plan d’Exposition au Bruit (PEB) qui résulterait du maintien de l’aéroport sur place. Présentées lors de trois réunions en préfecture de Nantes (28/10, 06/11, et 27/11 2013), elles ont été orientées pour aboutir à un coût excessif de rénovation, et à une augmentation invraisemblable des zones de bruit :
Preuves flagrantes de la manipulation :
les superficies prévues au contrat de concession signé par l’État avec AGO pour la nouvelle aérogare de Notre Dame des Landes, sont inférieures à celles de l’actuel aéroport mais aussi très largement inférieures à celles demandées par la même DGAC pour rester à Nantes-Atlantique (cf article du Canard enchaîné du 13 octobre 2014, travaux de l’Atelier Citoyen) ;
le coût estimé de la rénovation est majoré de façon abusive, voire ridicule (600 000€ pour la déconstruction et reconstruction du chenil) par rapport à toutes les réalisations récentes (Bordeaux, Marseille par exemple) ;
alors que les zones de bruit rétrécissent en France et dans le monde (CDG, USA, Royaume Uni) le PEB réalisé par la DGAC pour 2030 et au-delà a été bâti sur des hypothèses totalement contraires à la vraisemblance et déjà démenties par la réalité.
M. Gandil, numéro 1 de la DGAC, pour avoir, lors de la conférence de presse tenue avec M. le Préfet de Région Christian de Lavernée le 16 décembre 2013, affirmé sur la base de ces études mensongères que se trouvait à nouveau validée la nécessité du transfert, au mépris de la vérité et de la transparence promise pourtant par F.Cuvillier, Ministre des Transports ;
M. Doré, sous-préfet en charge du dossier à la Préfecture de Région de 2011 à 2015, pour avoir édulcoré le compte rendu de la dernière réunion du 27 novembre 2013, en refusant le verbatim fourni. Il a ainsi évité que n’apparaissent certains propos tenus par la DGAC et son sous-directeur, sans doute gênants. Après interpellation insistante, le Préfet aurait rajouté le verbatim au compte rendu en annexe, annexe que personne ne lira jamais ;
la Commission du Dialogue pour avoir volontairement laissé dans son rapport une contre-vérité sur la nécessité d’isolation phonique supplémentaire pour toute construction en zone D du PEB alors qu’elle a été avertie avant la fin de la rédaction que ce n’était plus le cas ;
Nous accusons d’obstruction délibérée :
la DGAC et les Préfets successifs, présidents de la commission consultative de l’environnement de l’aéroport de Nantes-Atlantique, pour avoir refusé depuis des années la révision du Plan de Gêne Sonore de l’aéroport alors même que les trajectoires ont été modifiées par la même DGAC. Cette révision pourrait en effet montrer une réduction des zones de bruit, ce qui mettrait à mal un des arguments les plus utilisés pour justifier le transfert.
Nous accusons d’inconséquence ou de mensonge :
l’État qui affirme d’intérêt général majeur le transfert à NDL notamment au nom des nuisances sonores et de la santé publique, mais qui a renoncé au transfert de l’aéroport de Toulouse alors que les logements inclus dans le Plan de Gêne Sonore y sont au nombre de 20 543 contre 1751 à Nantes ;
le Préfet des Pays de Loire, M.Comet qui a affirmé à un journal local (Ouest-France du 21 juin 2014) ne pas s’être occupé de l’aéroport de Toulouse alors qu’il a signé une lettre expliquant pourquoi l’État renonçait à son transfert avec des arguments identiques à ceux qui sont les nôtres ici (lettre de février 2013 au Président du SCOT de l’Ariège).
Nous accusons de mauvaise gestion délibérée :
la Chambre de Commerce et d’Industrie, gestionnaire de Nantes-Atlantique jusqu’en 2010 pour avoir sciemment refusé de maintenir à niveau l’aéroport pour mieux justifier le transfert à Notre Dame des Landes : extensions limitées, gaspillage de l’espace par agrandissement des parkings, aménagements intérieurs inefficaces ;
l’État pour les mêmes raisons (absence de radar, et autres équipements d’aide à la navigation).
Nous accusons d’erreur manifeste d’appréciation et/ou d’incompétence :
les élus partisans de ce transfert, et notamment les Présidents des grandes collectivités locales (JM. Ayrault, J. Auxiette, P. Mareschal) qui ont emporté le vote de leurs assemblées. Nous les accusons pour leur refus d’examen du fond du dossier, pour leur engagement irréfléchi d’argent public et pour leur mépris des contre-expertises produites ;
les ministres des transports et les premiers ministres successifs pour les mêmes raisons.
Nous accusons de provocation et de manipulation de l’opinion publique :
tous ceux qui veulent criminaliser et discréditer notre opposition en nous assimilant à de dangereux terroristes ; nous ne sommes ni la « vitrine légale d’un mouvement armé » ni une « minorité ultra-violente ».
Nous accusons le gouvernement de méthodes bien peu démocratiques (fichage de la presse, surveillance des opposants, interdictions injustifiées) et d’usage disproportionné de la force lors de manifestations.
Nous accusons toutes les personnes nommées ci-dessus de comportements indignes de politiques en charge de l’intérêt général et de hauts fonctionnaires d’État. Nous les tenons pour responsables de la faillite intellectuelle et morale que révèle ce dossier.
Nous mesurons la gravité de nos accusations et attendons sereinement les réactions qu’elles pourraient susciter.
Nous attendons enfin du Président de la République qu’il entende notre colère légitime, lui qui a affirmé « que la transparence est la première condition de la démocratie participative », lui qui a affirmé vouloir que « sur chaque grand projet, tous les points de vue soient considérés, que toutes les alternatives soient posées, que tous les enjeux soient pris en compte » (discours du 27 novembre 2014).
Les co-présidents de l’ACIPA
Anne-Marie Chabod Dominique Fresneau Christian Grisollet