Au terme d’une campagne électorale assez morne, avec une gauche militante ayant le plus grand mal à convaincre de la possibilité d’une victoire sociale et politique contre les memorandums passés et à venir, les résultats des élections législatives sont assez déprimants.
Tsipras gagne son pari (reconduire la coalition avec ANE, voire ouvrir vers le Pasok et Dimar) pour appliquer l’austérité. Le prix à payer : une énorme abstention et des pertes importantes en voix. Echec de l’Unité Populaire. Hollande se félicite du succès de Syriza !
Il y a près de 45 % d’abstentions [37% en janvier 2015 lors de la victoire de Syriza version anti-austérité].
Syriza fait quasiment en pourcentage le même résultat qu’en janvier 2015 : 35% (145 députés au lieu de 149) même si la chute des voix est très importante [300 000 voix qui doivent se porter en majorité vers l’abstention]. Syriza pourrait former un gouvernement avec les Grecs indépendants (10 députés au lieu de 13) soit un gouvernement avec 155 députés sur 300 députés au total.
Si Syriza s’allie en plus des Grecs indépendants avec PASOK - DIMAR (17 députés) le gouvernement Tsipras du 3e mémorandum aurait 172 députés.
Bref différentes formules sont possibles pour Tsipras qui a gagné son pari (tout en éliminant la gauche dans Syriza et en organisant la mutation de ce parti à grande vitesse).
Certes, la victoire de Syriza est plus large que ce qu’on pouvait penser : la réaction anti-droite et sûrement anti-nazis a été déterminante dans une victoire qui se révèle comme fort large. En effet, avec 99,5% des suffrages dépouillés, Syriza obtient 35,47 % (145 sièges, contre 36,34% et 149 sièges en janvier). Pour comprendre ce score étonnant, il faut rappeler que la haine du bipartisme PASOK /droite même relooké et qui a sévi pendant des décennies, que le soutien même critique de militantes exemplaires comme K. Kouneva, cette syndicaliste vitriolée par des nervis patronaux en raison de sa combativité, ont été déterminants pour le vote de la plus grande partie du »peuple de gauche » qui a voté hier.
Nouvelle Démocratie est stable : 28%.
La droite, qui espérait en plaçant à sa tête un homme moins impopulaire que l’ancien premier ministre Samaras, se retrouve sans aucun progrès : 28,09 % avec 75 députés (27,8 et 76 en janvier).
Aube dorée reste en 3e position et serait à presque 7 % , avec 18 députés (6,05% et 17 en janvier). Or, non seulement les chefs de ces assassins sont en attente de procès (mais libérés), mais leur führer vient de revendiquer, juste avant les élections, la »responsabilité politique » de l’assassinat du rappeur Fyssa, tué il y a deux ans par un de leurs militants. Il est clair que ce résultat implique une action forte, résolue et immédiate contre des tueurs qui ont lors de la campagne agressé des militant-e-s de gauche.
Le PC (KKE) est stable : 5,5% (15 députés). Le KKE ne profite finalement pas du malaise à gauche.
[Aube Dorée et KKE deviennent ainsi la seule opposition parlementaire au mémorandum. Bien joué Tsipras ? Le jeu est en fait irresponsable !]
Les petits partis pro-mémorandum autres que la Nouvelle Démocratie progressent légèrement : le PASOK, laminé en janvier (4,68 et 13 sièges) obtient 17 sièges avec 6,28% ; Potami, haineusement pro-mémorandum, baisse un peu (4,09% et 11 sièges au lieu de 6,05% et 17 sièges), mais c’est pour laisser un peu de place à un parti de même type mais renfermant des fascistes , Enosi ton Kentroon, 3,43 % et 9 sièges.
Quant au parti de droite extrême, ANEL , qui co-gouvernait avec Syriza, il passe le seuil des 3% nécessaire pour avoir des députés : 3,43% et 9 sièges (4,75% et 13 en janvier)
Unité Populaire (LAE, Lafazanis, Zoe Kostantopoulou, N. Valavani, Costas Isychos, Stratoulis, Lapavitsas, Kouvelakis, DEA, etc.), le regroupement sorti sur la gauche de Syriza cet été, n’obtient que 2,86 %. On aurait souhaité qu’il passe les 3%, pour que ce parlement dispose d’une voix de gauche réelle et pas trop sectaire. Mais dans tous les cas, il est clair que ce regroupement a échoué dans sa tentative de se porter comme le »successeur naturel » du projet de Syriza, et il faudra en tirer les bilans : sorti de Syriza avec 25 députés (3ème groupe parlementaire) et crédité de 8 % des voix fin août, il a échoué pour différentes raisons à offrir une alternative de gauche crédible, et justement peut-être parce que manque sur le fond une critique radicale du projet Syriza.
Antarsya (l’autre coalition de gauche radicale) qui n’a pas accepté ou n’a pas trouvé d’accord pour faire une campagne commune avec UP obtient 0,81% (+0,13%).
Antarsya avait fait le choix de construire un rassemblement anti-capitaliste indépendant. Amené à présenter des listes autonomes, Antarsya a mené , en lien avec le groupe EEK, une campagne de terrain battante, ignorée par les médias (le quotidien Efimerida ton Syntakton, journal de référence, a tu ses initiatives pour mieux couvrir celles de Syriza et d’UP). Son résultat (0,85 contre 0,64 en janvier), est loin d’être négligeable pour l’organisation anticapitaliste (à laquelle participe activement OKDE Spartakos, section grecque de la IVème Internationale), et cela la met en situation de proposer à la gauche antimemorandum (dont une partie a voté Syriza) des initiatives pour bloquer les mesures voulues par le »quartet » : vu les résultats de cette élection, cela relève de l’urgence, et il est vital de savoir proposer dans ce contexte des cadres de front unique ouvrier !
Deux remarques complémentaires : d’une part, ce sont de 6,41% des électeurs ayant voté pour un parti qui ne se voient pas représentés (ainsi : UP, Antarsya …). Et encore plus inquiétant : l’abstention a spectaculairement progressé depuis janvier (43,5 %, contre 36,4%), signe du découragement entraîné par les retournements de Syriza une fois au pouvoir, mais aussi du manque de crédibilité électorale de la gauche antimemorandum, que ce soit le KKE, UP ou Antarsya.
Dans un tel contexte, il faudra se rappeler que la moitié des électeurs ne sont pas représentés dans ce parlement, entre abstentionnistes, blancs ou nuls et les 6,41 mentionnés ! Et parmi eux, à l’évidence, de très nombreux jeunes.
D’où la nécessité : faire revivre le terrain des luttes.
Quoi qu’il en soit du futur gouvernement, les choses décisives se passeront encore moins qu’avant au parlement !