Le gouvernement est de plus en plus détesté et discrédité. Cependant, la seule attente d’un changement de présidence en 2012 ne suffira pas à revenir sur toutes ses contre-réformes. Pour cela, il est essentiel de faire converger les luttes.
À un peu plus de six mois des élections présidentielles, la Sarkozie est plus que jamais discréditée dans l’opinion, non seulement dans les sondages mais aussi dans les bureaux, les ateliers, les salles de profs, les hostos... Scandales, trafics divers, manipulations sont déballés au grand jour avec l’aide d’ennemis intimes ou d’amis inquiets de l’ampleur de la crise de légitimité de l’équipe politique en place. Tant pis pour ceux qui avaient cru à l’annonce par Sarkozy d’une « République irréprochable ». Le basculement du Sénat dans le giron de la gauche socialiste illustre cette crise qui se répand dans tous les rouages de l’appareil étatique.
Malgré ce discrédit profond, la bête continue de lancer des coups de griffes. C’est Fillon qui ose défendre la nécessité de repousser l’âge de la retraite à 67 ans après nous avoir affirmé que la dernière réforme réglait la question jusqu’en 2020. C’est Sarkozy qui pour toute réponse à la mobilisation des enseignants, ose affirmer que sa préoccupation principale va aux salariés du privé qui sont confrontés à la concurrence, aux licenciements et fermetures de sites. Pense-t-il que nous ignorons que les 80 000 postes supprimés dans l’Éducation nationale constituent le plus grand « plan social » de ces dernières années ? Les salariés de Freescale, de Hayange, auxquels il avait déjà affirmé son soutien, apprécieront la valeur de cet engagement. Guéant, quant à lui, continue de déverser ses immondices sur les Roms, les Roumains et tous les immigrés.
Le tout sur fond de plan de rigueur qui prend surtout aux plus démunis pour tenter de renflouer les caisses de l’État vidées par les plus riches et les banques.
Certes, la perspective d’une alternance menée par le Parti socialiste n’a pas de quoi angoisser les possédants et leurs amis politiques. Même le nouveau président du Sénat a prévenu qu’il n’abuserait pas des pouvoirs de cette réactionnaire institution. Tout indique qu’un gouvernement de gauche « à la française » appliquerait la même politique que leurs amis grecs ou espagnols.
Le gouvernement Sarkozy-Fillon n’a que le culot que lui permettent nos faiblesses. Les patrons sont bien placés pour savoir que grande est la colère de ceux qui en séquestrent certains ici, font une grève de la faim là, sont en grève depuis plusieurs semaines pour défendre leurs emplois, pour préserver leur outil de travail, leurs salaires, c’est-à-dire leur seul moyen de vivre.
Dans de multiples entreprises, les travailleurs et travailleuses résistent souvent le dos au mur. Les Fralib occupent l’usine pour empêcher la fermeture, ceux de la Fonderie du Poitou refusent par la grève de voir leurs revenus baisser de 25 %. Ceux de Goodyear, de la raffinerie de Berre, du haut fourneau de Florange, de Stihl dans l’Oise, font grève, manifestent, séquestrent leurs employeurs. Mardi 27 septembre, des dizaines de milliers d’enseignants du public et du privé se sont mobilisés et ont manifesté dans toute la France contre la destruction planifiée de l’enseignement (lire page 4). Les retraitéEs auront défilé par milliers jeudi 6 octobre pour bien montrer que le dossier retraite n’est pas clos avec la dernière loi et que la mobilisation doit reprendre pour imposer les 60 ans pour toutes et tous.
Mais l’issue de ces luttes éclatées, parfois isolées, restera incertaine tant qu’un rapport de forces plus global ne sera pas construit par les luttes. Les peuples du Maghreb et du Machrek ont montré que nous pouvions bouleverser la scène politique par les mobilisations. En Grèce, en Espagne, les populations ne se résignent pas à l’austérité, à la misère.
Encore faut-il une volonté de construire ces mobilisations. Il ne suffit pas de proclamer que nous n’attendrons pas 2012 ou qu’après la conquête du Sénat, celles de l’Élysée et de l’Assemblée nationale vont nous apporter des réponses satisfaisantes. Seul le rapport de forces, construit dans les luttes et les manifestations, peut contraindre patrons et gouvernement à reculer. C’est la seule voie pour imposer une autre politique, aller vers une autre société. Et pour cela, la tactique syndicale des grèves sectorielles, des mobilisations saute-mouton a fait la preuve de son inconsistance. Sans oublier les risques d’un découragement avec le Front national en embuscade jusqu’à la porte des entreprises.
Cette journée de mobilisation du 11 octobre ne suffira évidemment pas. La mobilisation contre la loi Sarkozy-Fillon de l’an passé a montré que seul un mouvement gréviste prolongé, du public et du privé peut construire ce rapport de forces nécessaire, urgent. Nous devons faire connaître, coordonner les luttes existantes, se battre pour leur extension et leur généralisation.
Robert Pelletier
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