Jacques Sauvageot est mort dimanche soir un mois et demi après avoir été percuté par un scooter le 12 septembre. Il était né le 16 avril 1943 à Dijon et était arrivé à Paris en septembre 1967.
Avec lui disparait un des leaders les plus connus de Mai 68. Membre du PSU, il fut placé comme président intérimaire à la tête de l’UNEF suite à un compromis avec les organisations d’extrême gauche (hors AJS-OCI). C’est ainsi qu’il s’était retrouvé à la tête du mouvement, avec Daniel Cohn-Bendit du Mouvement du 22 mars de Nanterre et Alain Geismar du SNESup.
Aujourd’hui, beaucoup d’anciens leaders de 68 sont morts physiquement ou politiquement, mais Jacques Sauvageot a été une exception. Refusant tout poste, il était resté très à gauche pour terminer Directeur de l’Institut des Beaux-Arts de Rennes et devenir un des responsables de l’institut Tribune Socialiste qui gère encore les archives de l’ancien PSU dont il fut membre avec Marc Heurgon, son fidèle conseiller en 68.
Dans toutes les réunions que nous tenions, chaque jour sous sa présidence au siège de l’UNEF rue Soufflot avec Cohn-Bendit et Geismar, on discutait de tout sans rien décider puisque bien sûr chaque organisation faisait ce qu’elle voulait par la suite… Les décisions de parcours de manif étant généralement décidé vers 18h place Denfert -Rochereau avec celui qui, perché sur la statue, tenait le micro. C’était généralement Cohn-Bendit et ceux qui en bas, formaient le SO, notamment les JCR…
Jacques incarnait une sorte de consensus, de socle commun entre des groupes très différents voire totalement hostiles les uns aux autres ! Il était le plus calme, mais aussi le plus réticent lorsque Mendes-France ou Mitterrand organisèrent le meeting au stade Charlety le 27 mai pour essayer de reprendre et de canaliser le mouvement.
Le fossé s’était aussi creusé avec Michel Rocard quand Jacques défilait derrière des banderoles du style « élections pièges à cons » et que Rocard, lui, préparait les élections… que la droite allait gagner après la défaite de la grève générale de 68.
Attaqué dans le mouvement étudiant par les lambertistes de l’Alliance de Jeunes pour le Socialisme mais soutenu par les JCR, Jacques est finalement parti faire son service militaire en Corse pour ne rentrer qu’en juillet 1970, tout en restant fidèle aux grands moments de 68 et en refusant de limiter le mouvement comme d’autres à une révolution culturelle ou sexuelle.
À Paris, puis en Bretagne, il ne participera plus à aucune activité politique publique.
Jacques représente ainsi un des rares dirigeants de 68 resté fidèle à ce combat. S’il a disparu, son combat, celui de toute une génération, reste présent.
Alain Krivine