Déclaration de Philippe Poutou.
Depuis le 15 novembre, la Guadeloupe est en grève générale, à l’appel d’un collectif de syndicats, structures professionnelles et associations, avec à la pointe, les personnels du CHU de Pointe-à-Pitre et les pompiers du SDIS. Aujourd’hui 22 novembre, un appel similaire à la grève générale est lancé par 17 syndicats de Martinique.
En France, les médias ne font écho que des « violences des manifestants » avec des images d’immeubles incendiés et de magasins pillés. Le premier flic de France, Darmanin, vient d’envoyer 50 agents du GIGN et du Raid, portant à 2250 le nombre de policiers et gendarmes présents sur l’île. Parallèlement, le couvre-feu a été établi sur toute l’île. C’est un dispositif et un état d’esprit strictement coloniaux dont fait preuve aujourd’hui le gouvernement, traitant avec un mépris souverain les exigences de la population de la Guadeloupe et de la Martinique.
Ces exigences se sont centrées depuis l’été sur la question de l’obligation vaccinale pour les agents hospitaliers et les pompiers, calquant les décisions prise en métropole, alors que, à ce jour, le taux de vaccinés de plus de 18 ans (au moins une dose) est de 46,43% en Guadeloupe, contre 91% en France (chiffres ARS).
Les syndicats avaient commencé à négocier un protocole adapté cet été mais, fin septembre, Paris a imposé la rupture de toute négociation et l’application à la Guadeloupe des mesures prises en France. Depuis, se sont multipliées les arrestations, les violences policières. Déjà 566 agentEs hospitaliers ont été suspendus.
Le mécontentement parti de la méfiance envers l’État et la vaccination trouve sa source dans les profondes inégalités que vit la population antillaise, et la colère créée depuis 50 ans par le scandale du chlordécone, produit de traitement des bananeraies, insecticide toxique et cancérogène utilisé par les grands producteurs bananiers avec l’aval des autorités et des ministères de Chirac et Cresson en France de 1972 à 1993 (malgré son interdiction dans de nombreux pays depuis 1976) provoquant une pollution généralisée et l’explosion des cas de cancers de la prostate.
Comme le dit un syndicaliste pompier : « Ils ont bien décidé une dérogation pour le chlordécone, c’est donc possible pour l’obligation vaccinale ». Si la vaccination demeure le meilleur moyen de lutter contre la pandémie de covid et de sauver des vies (ce dont les soignantEs de Guadeloupe, vaccinéEs à près de 90% d’après l’Agence régionale de santé, ont bien conscience), les mesures de contrainte et de sanctions sont non seulement autoritaires mais inefficaces : rien ne saurait remplacer la prévention et la conviction.
Les collectifs de Guadeloupe et de Martinique ont mis en avant un cahier de revendications qui fait ressortir toutes les exigences face aux inégalités et à la misère vécue par la population.
En Guadeloupe, 33% de la population vit sous le seuil de pauvreté (contre 14% en France métropolitaine) le taux de chômage est de 21% et la pandémie n’a fait qu’aggraver la situation, notamment pour les travailleurEs du secteur informel. Parallèlement, les prix alimentaires sont de 33% plus élevés qu’en métropole, sans parler des prix d’internet et de nombreux biens directement importés par les grands groupes de distribution.
Les problèmes posés par la grande lutte de 2009 ne sont pas réglés, et le Medef local ne s’est jamais senti obligé d’appliquer la prime de vie chère de 200 euros à touTEs les salariéEs.
Montreuil, le 22 novembre 2021.