Au moment où le Conseil Municipal de Saint-Malo vient de voter la mise en place de caméras de surveillance et que la campagne des municipales va immanquablement être marquée par la thématique de l’"insécurité" (le fonds de commerce de la liste F-Haine), il nous parait utile de rappeler la vision du NPA sur ce sujet. Nous extrayons du n° 219 de notre hebdo l’ANTICAPITALISTE un article de notre camarade Laurent RIPART, élu municipal NPA à Chambéry.
Parce qu’il institue, selon le mot de Marx, un état « d’insécurité perpétuelle », le capitalisme a toujours exacerbé le besoin social de sécurité. En démantelant les services publics et en paupérisant les classes populaires, la contre-révolution libérale a poussé ce paradoxe à son extrême. Pour avoir fondé leur projet de société sur « la guerre de tous contre tous », les libéraux ont ouvert un chaos social qu’ils ont voulu contenir par de nouvelles politiques sécuritaires ciblées sur les classes qu’ils avaient paupérisées, comme cela a été le cas aux États-Unis qui comptent aujourd’hui davantage de noirs dans leurs prisons qu’il n’y avait d’esclaves en 1850.
Menant la lutte des classes par des moyens policiers, ces politiques sécuritaires visent les quartiers populaires. Elles modèlent l’espace du néo-libéralisme en opposant les zones d’habitats populaires, stigmatisées comme des « espaces de non-droit », aux quartiers des classes dominantes qui sont sécurisés par un arsenal de technologies liberticides, dont les 935 000 caméras de vidéo surveillance recensées en 2012 par la CNIL en France constituent l’exemple le plus emblématique.
Si ces politiques ont été originellement portées par la droite, le PS s’y est désormais totalement converti. Le social-libéralisme s’est fait social-sécuritaire : à un journaliste qui s’étonnait de ses emprunts à la politique de Sarkozy, Valls répondait en juillet dernier que « la sécurité n’est ni de droite ni de gauche ». Les politiques sécuritaires s’infiltrent même désormais dans « la gauche de la gauche » : dans les rues de Montreuil et de Saint-Denis, des maires EELV ou Front de gauche installent des caméras de vidéosurveillance, tandis qu’à Sevran, Autain ouvre sa campagne par de grandes proclamations sécuritaires et se déclare prête à y créer une police municipale.
Alors que la conversion sécuritaire de la gauche libérale brouille les lignes, les anticapitalistes doivent reprendre la question à la racine, en expliquant que l’insécurité trouve d’abord et avant tout sa source dans le chaos produit par un système fondé sur l’inégalité et la mise en concurrence généralisée. La lutte contre l’insécurité passe ainsi par la lutte anticapitaliste et doit se concrétiser par la satisfaction de quelques revendications immédiates, susceptibles de rétablir un minimum d’ordre social et donc de sécurité : restauration des services publics, droit à un emploi pour tous, lutte contre les discriminations, etc.
Mais l’urgence est de lutter pied à pied contre les politiques sécuritaires qui écrasent les classes populaires. Il faut en finir avec les politiques de stigmatisation des quartiers en exigeant la suppression des nouvelles zones de sécurité prioritaire (ZSP) mises en place par Valls : ce n’est pas de CRS supplémentaires dont nous avons besoin, mais de services publics, de justice et d’emplois. Il nous faut aussi assurer notre propre sécurité, en exigeant le désarmement et la démilitarisation de la police, l’interdiction du flash-ball et du taser et la dissolution des unités d’exception, en premier lieu de la BAC dont les exactions quotidiennes sont intolérables.
Cette politique doit se décliner dans nos interventions locales. Il est urgent de démanteler la vidéosurveillance qui ne cesse de s’étendre dans les rues de nos villes. Il faut aussi abroger les arrêtés municipaux qui ciblent la jeunesse et les SDF, à l’exemple des arrêtés contre la mendicité ou contre la consommation d’alcool sur la voie publique, qui n’ont d’autre fonction que de criminaliser la grande pauvreté. Il faut enfin interdire les polices municipales, avant que l’extrême droite ne s’en empare dans les villes qu’elle s’apprête à conquérir, en tirant les leçons d’Orange où Bompard utilise la police municipale pour harceler les immigrés et museler son opposition.
L. RIPART