Les 19 et 20 mars 2016 s’est réunie la conférence nationale du NPA qui devait décider de notre présence à l’élection présidentielle. Cela peut paraître un peu étrange, a priori, de se réunir en plein mouvement social pour parler élections…
Mais nous n’avons pas le choix : vu les conditions extrêmement difficiles pour accéder à ce scrutin (la recherche de 500 signatures de maires ou parlementaires) et la petite taille de l’appareil du NPA (un parti de militantEs, pas de professionnels de la politique), nous sommes obligéEs de nous y prendre de très loin.
Mais pas d’inquiétude, le NPA est le NPA… et le combat contre la loi Travail a été très présent durant tout le week-end. D’abord parce que nous avons libéré un long moment dans le déroulement de la réunion pour en parler – et nombre des acteurs-trices du mouvement étaient dans la salle – et aussi parce que l’on peut dire que le mouvement a irrigué l’ensemble de nos débats. Peut-être même a-t-il facilité l’aboutissement à un résultat que nous osions à peine espérer.
En effet, malgré une situation interne parfois compliquée, avec des positions très tranchées à l’ouverture du débat, les déléguéEs ont réussi, à l’issue d’un vrai temps de travail, d’élaboration collective, non sans difficultés, non sans éclats de voix, à ressortir de l’ultime séance avec un texte de déclaration adoptée par 95 % des déléguéEs et un dispositif d’organisation adopté à 90 %. Mieux, on peut dire du texte qu’il est le produit d’un vrai débat, d’une vraie confrontation où les divergences ont été clairement mises sur la table et traitées politiquement pour parvenir à les dépasser.
Alors nous ressortons de cette CN avec d’une part un groupe de porte-paroles – Olivier Besancenot, Armelle Pertus, Christine Poupin et Philippe Poutou - ce dernier étant unanimement désigné comme notre candidat – et d’autre part un cadre politique qui va nous permettre de mener une campagne en prise avec le mouvement social, pour « faire entendre la voix et les besoins vitaux des classes populaires, des exploitéEs et des oppriméEs, de toutes celles et tous ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre ».
Déclaration de la conférence nationale du NPA
La prochaine élection présidentielle sera une caricature de démocratie dans une période marquée par le renforcement des pouvoirs de l’exécutif et le développement d’un état d’exception permanent, policier et liberticide. Mais le contexte dans lequel s’est tenue la Conférence nationale du NPA les 19 et 20 mars 2016 est également dominé par la montée de la contestation sociale et politique contre la Loi El Khomri. Cette attaque sans précédent contre les droits et les acquis des travailleuses et des travailleurs s’inscrit dans l’offensive menée par les gouvernements PS-Medef, soumis aux banques et au patronat.
Régression sociale, chômage et précarité, état d’urgence, déchéance de la nationalité, remise en cause du code du travail, casse de la SNCF, politique réactionnaire contre les migrants, grands projets inutiles et anti-écologiques, poursuite des guerres néocoloniales, négociation du Tafta, abandon des services publics, les attaques mises en place par Hollande et Valls vont bien au-delà de ce que la droite avait pu tenter jusqu’alors en terme de régression sociale et démocratique, de banalisation des politiques racistes, en particulier islamophobes, et sécuritaires. Le chômage n’a pas reculé, la pauvreté s’est développée, et les inégalités n’ont cessé d’augmenter. L’état d’urgence a servi de point d’appui pour accentuer la présence policière dans les quartiers populaires avec des milliers de perquisitions.
Dans le même temps, la répression contre des syndicalistes, contre celles et ceux ceux qui luttent, à Air France, Goodyear, à La Poste, contre les militantEs écologistes, contre les étudiantEs et lycéens, voudrait étouffer les résistances qui sont multiples à travers tout le pays.
La droite est en difficulté car ce gouvernement, qui se prétend de gauche, a mené une politique plus à droite que ce que Les Républicains osaient imaginer. Le Front national est à l’affût et pourrait récolter les fruits de la situation et du désespoir dans les classes populaires. Après cinq ans de gauche au gouvernement, il veut faire croire qu’il est le mieux à même de les représenter, alors qu’en réalité, il divise les exploitéEs. Il attaque les plus opprimés que sont les immigréEs. Il représente le pire ennemi des travailleuses et travailleurs.
« Trop, c’est trop ! ». Petit à petit, la colère s’est accumulée : à Notre-Dame-des-Landes et à Sivens, à la SNCF, dans les luttes des migrantEs et contre l’état d’urgence… La loi El Khomri a fait déborder le vase. La mobilisation pour son retrait pourrait être le début d’une contre-offensive des exploitéEs contre l’ensemble de la politique du gouvernement. Les jeunes et les travailleurEs ont bousculé le calendrier des confédérations syndicales. Alors que l’heure est à préparer les suites du 31 mars et à la construction d’un mouvement d’ensemble, et alors que la CFDT apporte son soutien au gouvernement, les directions confédérales qui demandent le retrait du projet de loi tergiversent. Pour dépasser ces blocages, le mouvement doit s’appuyer sur les équipes syndicales combatives et développer les structures d’auto-organisation pour préparer une mobilisation d’ensemble, vers une grève générale qui balaie ceux qui nous exploitent depuis trop longtemps.
Le NPA engage toutes ses forces pour que la jeunesse, les salariéEs, mais aussi les sans-emploi reprennent confiance, relèvent la tête, et défendent leurs intérêts contre le gouvernement et le patronat. Le NPA exige la levée de l’état d’urgence et de toutes les mesures et lois restreignant les libertés, ainsi que la fin de la chasse aux migrantEs. Le NPA soutient et participe aux initiatives visant à empêcher l’implantation du FN dans les quartiers, dans les villes et dans les entreprises.
Dans cette situation, un fossé toujours plus grand se creuse entre la colère sociale d’un côté et les partis au pouvoir et les institutions de l’autre. Les débuts de la campagne présidentielle montrent une fois de plus cette caricature : Le Pen, Sarkozy, Hollande remettent le couvert, tandis que les Verts ou les « frondeurs » abandonnent le navire Hollande après avoir ramé pour lui pendant plusieurs années. Mais cette colère sociale n’a pas d’expression politique audible, visible.
Toutes celles et ceux qui s’affrontent aux choix politiques faits dans le seul intérêt des capitalistes doivent pouvoir faire entendre la voix et les besoins vitaux des classes populaires, des exploitéEs et des oppriméEs, de toutes celles et tous ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre. Nous avons besoin d’un parti indépendant qui soit aussi fidèle à leurs intérêts que le gouvernement l’est au Medef, qui se bat pour l’unité du monde du travail et de ses organisations contre le patronat et l’État. Un parti qui tire le bilan des échecs de ceux qui, en Europe, ont prétendu lutter contre l’austérité capitaliste sans s’affronter et en finir avec les institutions des classes dirigeantes. Il est nécessaire d’œuvrer à la construction de ce parti capable de résister aux attaques immédiates tout en défendant une perspective pour la transformation révolutionnaire de la société, pour en finir avec le capitalisme.
Cette démarche doit s’appuyer sur les luttes existantes. Elle implique de débattre de cet objectif avec les oppriméEs et les exploitéEs engagés dans les luttes contre l’austérité, contre le racisme, contre les violences policières, contre l’impérialisme et les guerres qu’il engendre, pour les libertés et les droits démocratiques, pour la justice climatique... Nombre de ces luttes portent en outre en germe un autre monde en expérimentant d’autres façons de vivre, de produire et de décider démocratiquement, en faisant vivre la solidarité contre la concurrence, en contestant radicalement le système. C’est un enjeu de la campagne que nous voulons mener.
En décidant de présenter Philippe Poutou à l’élection présidentielle, le NPA veut permettre au mécontentement, à la révolte, aux résistances de s’exprimer sur le terrain politique, y compris électoral. Le monde du travail doit reprendre confiance en lui.
Nous voulons porter la voix d’une opposition ferme à la politique du gouvernement, mais aussi contre ce système d’exploitation et de misère qui engendre les guerres et la destruction de la planète, une opposition des travailleurEs, des classes populaires, des oppriméEs, de toutes celles et tous ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre. Nous voulons profiter de la campagne pour renforcer les luttes, les faire converger et développer l’auto-organisation.
Dans toute l’Europe, dans les pays arabes, y compris aux USA avec Occupy Wall Street, des voix se sont déjà élevées contre les politiques d’austérité, contre la dette, contre les politiques au service du grand patronat et des banques.
En Grèce, la capitulation et la faillite du gouvernement Tsipras attestent de l’échec de la gauche antilibérale et de sa politique. En France, les députés du Front de gauche ont voté en faveur de l’état d’urgence, renforçant la légitimité des politiques sécuritaires de Hollande, et ses élus participent à des majorités de gestion avec le Parti socialiste dans les exécutifs locaux et régionaux, acceptant de cogérer l’austérité. Cela démontre cruellement que la lutte pour en finir avec l’austérité implique la rupture avec les institutions de la bourgeoisie, tant à l’échelle nationale qu’européenne.
Pour changer les choses, il faut donc imposer la réquisition des banques pour créer un monopole public bancaire, l’annulation de la dette, l’interdiction des licenciements, une augmentation générale des salaires, l’expropriation des grands groupes capitalistes.
Le droit à l’emploi, à un statut et à un salaire correct, c’est possible ! On peut, par la réduction du temps de travail, imposer des créations massives d’emplois dans tous les secteurs décimés par les plans patronaux. On doit également créer les emplois indispensables aux besoins fondamentaux (Santé, éducation, prise en charge de la petite enfance et de la dépendance…) et les emplois nécessaires à la reconversion écologique. Il faut revenir sur toute la casse des droits sociaux, introduite notamment par les lois Macron et Rebsamen.
Nous demandons l’arrêt de l’état d’urgence et de la répression policière, la fin de l’utilisation des fichiers STIC, la destruction des fichiers S, qui visent en premier lieu les habitantEs des quartiers populaires et les militantEs. Nous exigeons également le désarmement de la police, l’arrêt des contrôles au faciès, la fermeture des centres de rétention et la fin de la ségrégation spatiale, scolaire et médicale, l’ouverture des frontières, l’accueil des migrantEs, la liberté de circulation et d’installation, la régularisation de tous les sans-papiers, le droit de vote de tous les résidentEs à toutes les élections.
Face à l’imminence de la catastrophe écologique dont les multinationales et les États sont responsables, il faut rompre avec le productivisme et la logique de rentabilité. Il faut organiser le contrôle des travailleurEs et de la population sur la production dans la perspective de sa planification démocratique, décentralisée, en fonction des seuls besoins sociaux et dans le respect des contraintes écologiques. Il faut arrêter les productions inutiles et les projets destructeurs comme l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, sauver le climat en sortant des énergies fossiles et du nucléaire. Il faut développer des transports collectifs, publics et gratuits, garantir le droit à un environnement non pollué, permettre l’accès à une alimentation saine basée sur une agriculture biologique et paysanne.
La montée des extrêmes-droites s’est largement appuyée, en plus de son terrain de prédilection qu’est le racisme, sur les mobilisations sexistes et homophobes. Plus généralement, la lutte pour l’égalité réelle exige de mener une véritable politique féministe. Nous revendiquons le droit à la PMA pour toutes, l’égalité réelle des salaires, l’accès aux services publics, notamment l’accès à l’IVG, et la mise en place d’une éducation féministe. Nous défendons l’égalité entre toutes et tous, quels que soient son origine géographique, son genre ou sa sexualité, tout en poussant à la convergence des luttes féministes, LGBTi, anti-racistes et anticapitalistes.
Un bulletin de vote ne changera pas la vie. Un véritable changement de société ne pourra venir que de grandes mobilisations sociales, lorsque les exploitéEs auront pris leurs affaires en main et auront imposé leur propre gouvernement pour construire une autre société, débarrassée de toute forme d’exploitation et d’oppression. Mais cette élection peut être un moyen d’exprimer son ras-le-bol, sa volonté de changer les choses.
C’est ce que nous voulons exprimer dans cette campagne, avec toutes celles et tous ceux qui partagent ces préoccupations en rupture totale avec une échéance électorale entièrement centrée sur « l’homme providentiel » imposée par des institutions foncièrement antidémocratiques. Le problème n’est pas de changer de personnel, mais d’en finir avec ces institutions, dé-professionnaliser la politique, interdire le cumul des mandats, organiser leur rotation, plafonner la rémunération des élus, établir la proportionnelle intégrale, et organiser leur révocabilité lorsqu’ils ne respectent pas leur mandat.
Notre campagne portée, avec notre camarade Philippe Poutou, par un collectif de porte-parole, Olivier Besancenot, Christine Poupin et Armelle Pertus, sera collective, en rupture avec la personnalisation qu’impose la logique présidentielle.
Nous savons que la bataille politique dans laquelle nous nous engageons ne sera pas facile. Le Parti socialiste craint de ne pas être présent au second tour et durcit la loi électorale pour empêcher les candidats qui le contestent, à gauche, de se présenter.
Nous appelons les maires à accorder leur parrainage administratif à notre candidat.
Déclaration de la conférence nationale du NPA