Après ces élections, tous les partis crient victoire, mais pas nous. Nous avons eu 15 sièges au Parlement régional, mais nous n’avons pas atteint notre objectif parce que demain, il y aura encore les 40 expulsions locatives journalières, un million de chômeurs andalous et un million d’enfants y vivant sous le seuil de la pauvreté »...
« Notre but est de gagner la majorité politique pour gouverner en faveur du peuple et avec le peuple comme sujet actif de son gouvernement. Tant que nous ne l’aurons pas fait, nous ne pouvons parler de victoire ».
Lorsque Teresa Rodríguez a pris connaissance dimanche 22 mars des résultats des élections régionales d’Andalousie dont elle était tête de liste pour Podemos, c’est par ces mots qu’elle a à la fois fait le bilan de sa campagne et rappelé le projet politique.
Ex-eurodéputée, syndicaliste et militante anticapitaliste, la tête de liste de Podemos en Andalousie n’a pas eu de complaisance avec l’importante progression électorale d’une force née récemment, sans moyens financiers, sans structure organisationnelle ni expérience institutionnelle. Teresa ne crie pas victoire parce que le PSOE conserve ses 47 sièges, même s’il a perdu 250 000 voix par rapport au scrutin de 2012. Le PP (droite) s’effondre en cédant presque 200 000 voix au PS (seuil historique en Andalousie), mais avec ses 33 députés, il n’a pas été dépassé par Podemos. Et s’est créée une force de droite « de rechange », Ciudadanos (Citoyens) qui, avec 368 000 voix prises au PP, a obtenu 9 sièges.
Cependant, il faut mesurer l’importante portée du résultat de Podemos. À ce premier rendez-vous électoral après sa naissance aux dernières Européennes, il a obtenu 590 000 voix, soit 14,84 % du total des voix d’Andalousie, 300 000 de plus que lors de son premier essai l’an dernier : une progression de 300 % en un an ! Les voix de Podemos ont plusieurs origines : des anciens électeurs socialistes (environ 200 000), d’anciens électeurs de Izquierda Unida (IU, PC, 200 000 de plus), des Verts de Equo (presque 20 000), le reste étant issu de la gauche radicale et d’abstentionnistes de gauche.
Soif populaire de changement
Podemos a réussi la plus vaste mobilisation populaire de toute la campagne, avec plus de 200 meetings et réunions publiques, en particulier le dernier au vélodrome de Dos Hermanas (Séville) qui a rassemblé 16 500 personnes, 6 500 de plus que l’ensemble des présents aux meetings organisés en même temps par le PSOE, le PP, IU et Citoyens ! L’espoir insufflé et l’organisation des militantEs des Cercles, l’organisation de base de Podemos, sont le principal acquis politique.
L’offensive de la droite et des médias contre Podemos, faite de calomnies, mensonges et censure dans les moyens d’information, a été un premier indicateur de la bataille qui va avoir lieu lors de prochaines élections, le 25 mai dans d’autres régions et aux municipales, et des élections générales de fin d’année. Les puissances économiques autour des grandes entreprises de l’Ibex 35 (indice boursier) se sont donné trois objectifs : arrêter la progression de Podemos, préparer un recyclage des voix mécontentes du PP en soutenant Citoyens, et faire pression pour un gouvernement de grande coalition entre le PP et le PSOE.
Mais les élections en Andalousie ont montré qu’il est difficile d’arrêter le désir de changement d’une large partie des classes travailleuses qui ne se résignent pas, qui ont abandonné de vieilles fidélités, et comptent sur Podemos comme outil de lutte électorale. Le changement a commencé dans l’État espagnol, en Andalousie. Une bonne illustration en est que Teresa Rodríguez, publiquement connue comme militante trotskiste d’Anticapitalistas, a été la candidate qui a eu le plus de voix dans sa ville, Cadix, gouvernée depuis 30 ans par le PP.
De Séville, Manuel Garí
(Traduction Monica Casanova)