Philippe Poutou, ouvrier et délégué CGT du groupe Ford à Blanquefort en Gironde a réagi, jeudi 7 juin, sur franceinfo, à l’annonce du groupe Ford. Le constructeur se dit prêt à lancer un plan social dans son usine de Blanquefort.
"C’est tout simplement scandaleux, c’est dégueulasse", dénonce Philippe Poutou, ouvrier et délégué CGT du groupe Ford à Blanquefort (Gironde), jeudi 7 juin sur franceinfo. "A un moment donné, il faut empêcher les multinationales de faire ce qu’elles veulent".
Le groupe Ford a annoncé jeudi être prêt à lancer un plan social dans son usine de Blanquefort, en Gironde. Si aucun repreneur n’est trouvé, l’usine qui comptabilise aujourd’hui 900 employés, fermera alors ses portes.
franceinfo : Quelle a été la réaction des salariés de l’usine après cette annonce ?
Philippe Poutou : On s’y attendait, mais même quand on s’y attend, ça fait très mal. On est partagés entre l’écœurement, la désillusion, la démoralisation et en même temps de la colère. Ce sont des annonces qui sont pour nous complètement injustifiables. C’est scandaleux de voir des multinationales faire des profits, et ce n’est pas la seule histoire comme ça, d’autres vivent ce qu’on vit dans plein d’endroits. Ford a reçu des lettres publiques en pagaille ces dernières années, mais la multinationale décide de partir. On est forcément sous le coup, on a eu du mal à se mobiliser ces derniers temps. On avait essayé d’empêcher cette annonce que l’on voyait bien venir. Maintenant que l’annonce est faite, c’est encore plus dur. Ceci dit, on est un noyau dans l’usine à essayer de mener la bataille, en tout cas de la préparer. On n’a pas dit notre dernier mot et on est toujours sur l’idée qu’il faut sauver l’usine et les emplois. Ford doit respecter ses engagements et ses obligations, et nous comptons sur l’intervention des pouvoirs publics. Plutôt que pleurer et regretter comme ils le font en ce moment, ils doivent agir. A un moment donné, il faut empêcher les multinationales de faire ce qu’elles veulent. La priorité c’est l’emploi et le social.
Bruno Le Maire a évoqué des discussions engagées avec un industriel qui pourrait reprendre l’ensemble des salariés, y croyez-vous ?
On y croit d’autant moins lorsque l’on voit l’attitude des pouvoir publics. Ils n’ont que ce mot à la bouche : "regretter" ou une soi-disant "impuissance". Ils sont toujours là pour donner de l’argent à la multinationale mais dès lors qu’il faut lui imposer de rendre des comptes et de respecter ses obligations envers la collectivité, il n’y a plus personne. Evidement qu’il y a d’autres possibilités mais elles supposent que les pouvoirs publics, l’Etat, le gouvernement interviennent clairement. Pas pour pleurer ni pour faire semblant, mais pour agir vraiment. En réalité, il y aurait des solutions qui nécessiteraient que Ford ne parte pas. C’est cette bagarre-là que nous voulons mener. On en a un peu ras-le-bol de ce sentiment d’être trompés et manipulés par tous ces gens qui se disent responsables et en capacité de faire des choses et qui ne les font pas. Nous menons une double bagarre : l’une imposée à Ford et l’autre pour faire bouger les pouvoirs publics. Est-ce qu’on en aura la force ? Le problème c’est comment redonner le moral aux salariés pour se battre. Il y en a marre, il y a de la colère et à un moment donné ça va déborder parce que chez Ford il y a toute une série de pertes d’emplois et de fermetures.
Comment espérez-vous faire revenir Ford sur leur décision ?
En effet, ils ont été très clairs sur leur envie de partir. On est un peu le tout Petit Poucet qui essaie de faire changer des choses qui apparaissent complètement impossibles. On ne veut quand même pas baisser la tête, parce que c’est tout simplement scandaleux, c’est dégueulasse. Y’en a ras-le-bol. C’est 900 salariés, c’est du chômage quasiment sûr pour tout le monde. Comment va-t-on retrouver du boulot ? On a 50 ans en moyenne d’âge. C’est vrai aussi dans beaucoup d’autres endroits. On veut nous faire croire et nous imposer que l’on ne peut que subir et chercher le meilleur plan de licenciement possible. Nous on dit non, on dit qu’il faut que ça change. On verra si on a les moyens pour le faire, comme la situation est très défavorable pour nous. On se battra pour changer la donne. Il y a un film qui s’appelle "En guerre" de Stéphane Brizé qui raconte très bien la saloperie d’une fermeture d’usine. Il y a d’un côté la guerre patronale pour la course au profit et de l’autre la guerre des ouvriers pour se défendre.