Neuf ans tout juste après avoir tenu tête à Nicolas Sarkozy à la télé, l’ex-syndicaliste Pierre Le Ménahès jette un regard très critique sur la politique d’Emmanuel Macron, suit de près les gilets jaunes et reste en contact avec Olivier Besancenot et Bernard Lavilliers.
L’ancien leader de la CGT métallurgie reçoit dans sa modeste maison d’Hennebont (56). Sur les murs, le portrait du Che Guevara figure en bonne place, non loin d’une photo de l’hôte en compagnie de Bernard Lavilliers. Tandis qu’il prépare le café, Pierre Le Ménahès ne boude pas son plaisir de revenir sur ses années intenses de combat syndical au sein de la Société de fonderie bretonne (SBFM de Caudan). Anneau du « rebelle » à l’oreille gauche, il cultive toujours le même sens de la formule efficace au service d’un discours radical. Mais sur un ton bien plus calme depuis qu’un pépin de santé l’a amaigri : « Ce n’était pas l’amiante heureusement, mais j’y ai beaucoup pensé ». Ces fibres cancéreuses qui emportent régulièrement des anciens de la fonderie lui ont permis de quitter l’entreprise avec 65 % de son salaire brut en 2012 avant son départ officiel à la retraite le 1er décembre, à 60 ans.
« Un canyon entre les plus riches et les plus pauvres »
Alors que sa télé diffuse les chaînes d’info en continu, comment le « camarade Pierrot » voit-il la situation politique actuelle ? Lui qui se revendiquait de la « France d’en bas » en 2010, se sent-il solidaire des gilets jaunes aujourd’hui ? « Je soutiens le mouvement parce qu’il faut défendre bec et ongles le pouvoir d’achat, la justice sociale et fiscale et le rétablissement de l’ISF. Surtout quand on voit le canyon actuel entre les plus riches et les plus pauvres ! Depuis neuf ans, j’ai l’impression de vivre un jour sans fin ». Le métallo se désole : « Lors de ma confrontation avec Sarkozy, je pensais qu’il ne pouvait pas y avoir pire. Avec Macron, la situation est identique, voire pire ».
Ce qui n’empêche pas Pierre Le Ménahès de s’agacer du comportement de certains leaders autoproclamés des gilets jaunes. « Je suis allé sur les ronds-points, j’observe beaucoup depuis novembre. Je ne comprends pas les porte-parole qui ont le culte de la personnalité. Ils participent à la division du mouvement. Il ne faut pas confondre manifestation et procession ! Comme ceux qui veulent créer une liste pour les Européennes, ils s’attaquent à ce qui a fait la force du mouvement : ne rentrer dans aucune case connue. Les gens ont tout simplement décidé de prendre leurs affaires en main. C’était d’ailleurs la conclusion de mon bouquin (*) en 2011 ».
Un « risque énorme » en cas d’échec du grand débat
En revanche, l’ex-syndicaliste ne s’explique toujours pas « le mutisme des organisations syndicales », absentes des débats depuis plusieurs mois : « Hallucinant ! ». Participera-t-il à titre personnel au grand débat ? « J’interviendrai peut-être dans les débats publics. Mais je crains que ce soit l’Évangile selon Emmanuel Macron. S’il n’en sort rien en matière de pouvoir d’achat et de retraite, la frustration sera difficile à gérer. Il y a un risque énorme et ce n’est pas le retour à 90 km/h qui va changer quelque chose ».
Tête de liste pour le NPA aux dernières élections européennes (0,5 %), Pierre Le Ménahès ne repartira pas au combat politique cette année. Même si le métallo reste en contact régulier avec Olivier Besancenot (NPA). Quant à Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), pas question de le suivre : « Faut qu’il se calme et renonce au culte de la personnalité ».
La retraite « pour de vrai » alors ? Pas totalement, car tous les vendredis, Pierre Le Ménahès retourne au local syndical de la SBFM avec les anciens. Mais avec sagesse, il souligne qu’« on ne peut pas être et avoir été. Il faut rendre ce service aux jeunes ».
* « La France d’en bas face à Nicolas Sarkozy », éditions Favre.