Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) L’anticapitaliste - Ille et Vilaine (35)
  • CONFINEMENT : PAROLES DE TRAVAILLEURS/EUSES - 8 -

    « Les étudiant-e-s doivent se préoccuper prioritairement de leurs examens pour ne pas perdre leur année au détriment de leurs santé et de leurs besoins sociaux, on marche sur la tête ! »

    Clément G., étudiant à Rennes 2, syndicaliste à Solidaires Etudiant-e-s et Vice-Président Etudiant de l’université, a répondu à nos questions.

    Le 13 avril, E. Macron a annoncé que les universités ne ré-ouvriraient pas contrairement aux 1er et 2nd dégré, comment va se passer la fin de l’année dans les universités ? On a beaucoup parlé de la « continuité pédagogique » mise en avant par Blanquer, quid de l’université ?

    Le président a annoncé que les universités ne reprendraient pas les cours d’ici la rentrée de septembre mais n’a rien dit concernant les examens ou les oraux de candidatures en master. C’est un non sens, la plupart des universités ont déjà terminé leurs semaines de cours et sont maintenant entrain de préparer leurs examens, parfois en présentiel. Comme dans les autres degrés on voit l’impréparation du gouvernement qui envoie des signaux contradictoires. A Rennes 2 tout se fera probablement en ligne mais la encore pour le moment c’est le flou.

    Sur la continuité pédagogique on est face à une forme d’arnaque. Dans la plupart des établissements les infrastructures existaient déjà même si elles étaient rarement prêtes à absorber des dizaines de milliers d’étudiant•es. Le problème c’est qu’on a laissé les enseignant•es (et les étudiant•es) se débrouiller avec cette continuité pédagogique. Ce qu’on a observé à Rennes c’est que des étudiant•es n’ont quasi plus eu de nouvelles de leurs enseignant•es à partir du début du confinement mais que d’autres au contraire se sont retrouvé•es avec une charge de travail démultipliée.
    Ca s’explique du fait que chaque individu a une perception différente de ce que doit être cette continuité et n’a pas les mêmes possibilités d’y répondre. Des enseignant•es se retrouvent par exemple à devoir faire la classe à la maison ou gérer leurs enfants et sont donc incapables d’assurer des cours en ligne dans de bonnes conditions. A l’inverse certains enseignant•es pensent que la dématérialisation c’est la glande et « musclent » leur programme de cours.

    C’est une situation qui clairement dégrade la qualité de l’enseignement, crée des disparités et crée des problèmes supplémentaires pour les étudiant•es. Ils doivent se préoccuper prioritairement de ces questions pour ne pas perdre leur année au détriment de leur santé et de leurs besoins sociaux, on marche sur la tête.

    Les examens vont vraisemblablement ne pas se tenir en présentiel, comment les universités vont gérer ça ? Quelles garanties revendiquez-vous ?

    La plupart des universités ont effectivement fait le choix de basculer leurs examens en ligne parfois avec perte et fracas en imposant des modalités de contrôle de connaissance délirantes. Le gouvernement permettant dans une ordonnance (dont nous demandons le retrait) aux présidences de modifier à la volée les conditions d’examens.
    Dans la plupart des cas les nouvelles MCCA sont construites en faisant fi de la réalité de l’enseignement à distance ou des conditions matérielles actuelles de vie et d’études des étudiant•es. En fait c’est « on continue comme avant, tant pis pour la pandémie, circulez y’a rien à voir ».

    A Solidaires-étudiant•es Rennes nous avions initialement revendiqué la neutralisation du semestre (donc sa validation automatique) mais nous avons perdu le vote en CFVU notamment à cause de l’abstention de la FAGE. Nous avons donc proposé que les examens se fassent sous forme de devoirs maison c’est à dire qu’il ne puisse pas y avoir d’examen en temps réel et d’oraux via skype. En fait une modalité d’examens asynchrone et sans temps limité. La CFVU nous a suivi là-dessus et c’est ce qui a été retenu. C’est une forme de compromis en essayant de proposer la modalité la moins pénalisante et chronophage pour les étudiant•es. Mais globalement notre revendication est la neutralisation globale des semestres de cette session d’examens qui ne peut pas se tenir normalement il faut que tous le monde en ait conscience.

    Dans certaines universités les présidences se posent déjà la question de faire passer les rattrapages en présentiel parce que ce serait plus commode. Une décision qui mettrait en danger les étudiant•es et les personnels surtout lorsqu’on entend la communauté scientifique parler de seconde vague ou le conseil scientifique recommander la fermeture des écoles. Nous y sommes totalement opposés.

    50% des étudiant-e-s travaillent pour financer leurs études, à Rennes 2 une épicerie gratuite solidaire distribue de la nourriture aux étudiant-e-s dans le besoin.... on ne connaît malheureusement que trop bien la précarité que connaissent les étudiant-e-s, as-tu des infos sur la situation à Rennes ? A Bordeaux, Paris 8 des collectifs viennent en aide aux étudiant-e-s isolé-e-s, des initiatives sont elles prises à Rennes ?

    A Rennes 2 la population étudiante est particulièrement précaire, bien plus qu’a Rennes 1,(ce qui justifierait selon eux de ne pas faire grand-chose sur les questions sociales d’ailleurs) nous comptons plus de 43 % de boursier•es par exemple. Plusieurs enquêtes ont été menées sur les questions de vie et d’études durant le confinement par les syndicats étudiants et par Rennes 2. Ce que ces enquêtes ont constaté c’est que de plus en plus d’étudiant•es n’arrivent pas à subvenir à leurs besoins primaires (se nourrir, se loger). Beaucoup d’étudiant•es qui faisaient des petits boulots ou des emplois sans contrat se sont retrouvé•es du jour au lendemain sans travail et la précarité s’est accentuée pour eux comme pour les autres.

    Nous avons donc mis en place avec les autres syndicats étudiants un dispositif d’aides étudiantes forfaitaire de 50 euros à Rennes 2. Nous faisons aussi quotidiennement de l’accompagnement des étudiant•es pour leur permettre de bénéficier des aides du CROUS, de la ville ou d’associations. L’épicerie gratuite à elle aussi lancé une initiative pour permettre aux étudiant•es de bénéficier de cartes pour faire leurs courses que nous avons relayée. Je pense que c’est aussi ça le rôle d’un syndicat, savoir à la fois créer dans une situation d’urgence des solutions mais aussi faire vivre les solidarités.
    On essaye de répondre comme on peut avec les moyens que nous avons c’est à dire essayer de créer de la solidarité et du collectif dans une période ou on se retrouve particulièrement isolé et vulnérable. La réponse gouvernementale elle n’a pas été à la hauteur et au-delà du maintien des bourses assez peu de dispositifs d’envergure ont été mis en place pour répondre aux besoins des étudiant•es.

    Alors qu’une semaine avant le confinement, le 5 mars, l’université connaissait une mobilisation assez importante, la situation est venue un peu briser les cadres collectifs construits ces derniers mois. Des formes de cadres collectifs persistent-ils ? Sans retour des étudiant-e-s sur les campus cette année comment militer ces prochain/es semaines/mois ?

    La situation rend le militantisme et le travail d’information et d’organisation des étudiant•es plus compliqué mais les réponses gouvernementales et ce que l’on expérimente sur le terrain sont aussi révélateurs de tout ce que l’on dénonce depuis des années. On ne se prive donc pas de le dire, de le faire savoir aux étudiant•es et on continue à les informer. On fait aussi notre travail au niveau institutionnel pour faire valoir leurs droits et leurs intérêts. On a mis en place au niveau national des pétitions notamment sur la question des examens et on utilise aussi les CHSCT d’établissement ou il y a des représentant•es étudiant•es pour alerter.
    Malgré tout on est face à un problème car on ne peut plus descendre dans la rue ou occuper nos facs pour nous faire entendre, ce sont nos moyens de luttes collectives que l’on a perdu. Il faut essayer de réinventer et cela est compliqué mais on ne se laisse pas abattre pas et on prépare activement le moment ou on pourra recommencer à lutter physiquement et collectivement contre les réformes de casse du service public portées par le gouvernement. Celles-ci ont heureusement été mises en attente du fait de la crise mais elles reviendront.