Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) - Ille et Vilaine (35)
  • Rémi... On ne peut pas faire comme s’il ne s’était rien passé il y a un an, et dans ces conditions, on ne peut plus se dire écologiste sans être en colère.

    Nous sommes à une semaine du 25 octobre 2015, il ya un an que Rémi Fraisse a été assassiné par les forces policières de l’Etat français.
    Il nous faut revenir sur cet événement qui a été pour une génération de militantEs l’occasion de découvrir ce que signifiait l’indécence.
    Rémi Fraisse est mort touché par une grenade offensive lancée par la police alors qu’il prenait part à une manifestation contre le projet de barrage de Sivens, dans le Tarn. C’était la nuit du 25 au 26 octobre. Après que les policiers aient tenté de cacher la mort de Rémi, de fausses pistes ont été lancées, comme celle d’un cocktail molotov ou d’un sac à dos perdu où se serait trouvée la grenade. On peut dire que la vérité a été reconnue trop tardivement par rapport au moment où elle a été comprise.
    Il y avait deux questions pertinentes à poser le 26 octobre 2014 , à savoir celle de l’utilité du projet de barrage et celle de la violence d’Etat.
    On peut parler d’indécence quand la police, le parquet , le personnel politique, ou les médias dominants ont fait le choix de déformer la réalité en ne posant qu’une seule question, celle de la responsabilité présumée de Rémi à participer à une manifestation au côté de ce que les médias ont appelé des « casseurs ».

    On a insisté sur le fait de ne pas savoir qui des deux camps avait tué Rémi, comme si une troupe de CRS armés et mis en place sur le terrain uniquement dans un but de provocation était à mettre sur un pied d’égalité avec des manifestants non armés et dans l’incapacité de saboter des machines. On rappellera que la manifestation du 25 octobre 2014 à Sivens avait lieu dans un contexte de tension, où tous les arguments en faveur du barrage étaient un à un en train de tomber. S’il n’y a pas eu de volonté particulière de tuer Rémi Fraisse, il y avait intérêt pour les autorités que cette manifestation dégénère.

    En ce qui concerne cette nuit-là, plusieurs éléments doivent être rappelés, des éléments qui ont été injustement occultés ou maltraités dans le débat public alors qu’ils nous semblent toujours essentiels un an après :

    - C’est sous un gouvernement socialiste que Rémi Fraisse a été tué. C’est peut-être symbolique, mais on ne l’oubliera pas. Une fois ses mains tâchées, le gouvernement aurait pu formuler des excuses, prononcer des hommages comme il n’a pas hésité à le faire à la mort de Christophe de Margerie (!), se poser les bonnes questions, remettre en cause le projet de barrage comme d’autres projets inutiles, mettre le ministre de l’intérieur à la porte, mais en plus de tuer Rémi, les Valls, Hollande, Cazeneuve ou Carcenac ont été ses fossoyeurs.
    En liant la question de l’écologie à la question des violences policières, en nous faisant la démonstration qu’aujourd’hui en France, on peut perdre la vie pour avoir défendu la nature, le PS nous a montré qu’il savait tuer des écologistes, et qu’en plus de cela, il était prêt à laisser des milices d’extrême-droite faire le travail d’expulsion de la ZAD après-coup. La mort de Rémi Fraisse, c’est aussi la première raison pour laquelle nous ne discuterons pas d’écologie avec le Parti Socialiste.

    - Ce que le récit médiatique a passé ss silence, c’est qu’on ne pouvait pas se permettre d’appeler la mort de Rémi Fraisse une simple « bavure policière », si l’on sait qu’avant sa mort sur la zone du Testet, les violences policières n’étaient pas une exception mais la règle même de fonctionnement du pouvoir d’Etat sur ce territoire, son moyen de survie.
    Avant de tuer Rémi, la police a commis de nombreuses exactions comme le fait de brûler les affaires de zadistes, de piétiner des militantEs enterréEs pour protester contre l’abattage des arbres, ou de lancer une grenade offensive dans la caravane de zadistes en mutilant au passage une militante.
    Après la mort de Rémi, ce qui a eu lieu non seulement à Sivens mais dans tous les points de résistance en France a été la simple continuation d’un cycle de violence avec des arrestations préventives, des interdictions de manifester (avec comme message sous-jacent : « restez chez vous, votre colère n’est pas légitime »), des tabassages de manifestants...
    C’est la multiplication de ces agressions à l’égard de celles et ceux qui s’opposent au pouvoir, qui montre que la violence policière est bel et bien un élément du système auquel nous nous opposons.

    - Or, là où les autorités ont réussi, c’est dans les têtes. Elles ont su taire tous ces débats de fond soulevés par la mort de Rémi Fraisse en mettant en scène de manière caricaturale la violence des manifesstants pour semer la division et nous affaiblir. On est forcés de le dire, la bataille culturelle, ce n’est pas nous qui l’avons gagnée. Face à cela, il faut rappeler qu’à l’automne 2014, il n’y avait pas les casseurs et les autres, il y avait d’un côté le pouvoir, celui qui veut aménager (comprendre : bétonner) son territoire de manière obsessionnelle, quitte à le faire dans le sang, et de l’autre ceux qui refusaient et qui refusent toujours ce pouvoir-là : c’était Rémi Fraisse, membre de France Nature Environnement, et c’est encore notre camp aujourd’hui.

    - On peut revenir rapidement sur les raisons de la contestation du barrage de Sivens. Ce barrage a pour but de diluer les pollutions de l’industrie laitière, il a été commandé par une société anonyme par actions soutenue par la FNSEA. Même d’un point de vue productiviste, on pourrait contester la nécessité d’un barrage à Sivens pour diluer ces pollutions-là.
    Mais les raisons de la construction d’un barrage à Sivens ne se limitent pas à un problème agricole. Quand on se penche sur l’histoire de la zone humide du Testet, on se rend compte que de nombreux projets successifs d’aménagement du territoire ont été abandonnés à Sivens, comme si le but ultime de l’Etat, c’était de créer coûte que coûte de la valeur marchande sur un territoire qui y échappait jusqu’alors. C’est aussi en cela que les arguments liés à la sauvegarde de la biodiversité sont recevables, mais insuffisants pour traiter une question qui est avant tout politique, celle du droit de décider des habitantEs d’un territoire de ce qui sera ou ne sera pas construit dessus. C’est aussi et surtout une question de valeurs. C’est pour ça que lorsqu’à NDDL on se bat contre l’aéroport, on ne se bat pas seulement contre l’aéroport : on se bat contre l’aéroport et son monde, pour reprendre la formule des zadistes.

    Au lendemain de la mort de RF, Thierry Carcenac, sénateur du Tarn, avait tenu les propos suivants : « Si tous les chantiers qui déplaisent doivent être protégés, où va-t-on ? ».
    C’est vrai, on ne va quand même pas demander aux premièrEs concernéEs de donner leur avis... Manuel Valls, lorsqu’il utilise le terme de « kyste » pour évoquer les ZADs est sur la même longueur d’onde puisque finalement ce qu’il récuse, c’est le principe même de démocratie réelle, de démocratie locale. C’est contre ces voix-là que nous devons faire entendre les nôtres, et c’est en cela que notre camp politique doit apporter un soutien sans faille aux zadistes.

    La multiplication des ZADs en France, c’est encore un facteur d’espoir dans nos luttes, puisque ces expériences d’action collective nous montrent qu’on peut encore aujourd’hui s’opposer aux institutions tout en étant dans la construction. Les ZADs, c’est d’abord l’unité, entre des militant-e-s et des riverains, opposés à des projets imposés par le haut et contre le bas, les Grands Projets Inutiles et Imposés. L’arme des zadistes, c’est l’occupation, et c’est une occupation qui ancre la lutte dans le temps du quotidien. Cette temporalité permet à la fois de résister et d’explorer, de s’organiser autrement. Militer sur une ZAD, ce n’est pas uniquement empêcher un aménagement de territoire mais tenter d’y substituer autre chose, en montrant que défendre, c’est aussi construire, mais construire autre chose que des aéroports. C’est par exemple construire de la démocratie, des liens militants, de nouveaux modes d’action.

    Un an après la mort de Rémi Fraisse, le gouvernement,qui n’a pas avoir été fragilisé par le mouvement social finalement assez faible provoqué par Sivens nous prouve s’il en était besoin qu’il est prêt à recommencer un cycle de violences, cette fois-ci à Notre-Dame-Des-Landes, où Manuel Valls a indiqué être prêt à évacuer la ZAD après les élections régionales. Or, on ne supportera pas un deuxième Rémi Fraisse à Notre-Dame-Des-Landes. On se doit d’être unis à la gauche de la gauche pour non seulement exprimer notre soutien aux zadistes mais aussi être présentEs sur place quand ça va chauffer pour inverser le rapport de force, montrer que jamais on ne se laissera bétonner, capitaliser ou mutiler par la police sans exprimer la résistance.

    Thierry Carcenac, le 27 octobre 2014 a eu les mots suivants : « mourir pour des idées, c’est une chose, mais c’est quand même relativement stupide et bête » . On peut se demander si tuer pour les idées opposées est forcément plus acceptable, et dans tous les cas on saura se battre pour que les Rémi Fraisse soient toujours plus légitimes que les Carcenac, que les Valls ou que les flics.

    Aujourd’hui, on ne peut pas faire comme si Rémi Fraisse n’était pas mort, et on ne peut pas ne pas l’intégrer à nos luttes. Les militants de Sivens, utilisaient le terme de « digne rage » pour désigner la force qui leur permettait de s’opposer au barrage, et c’est cette digne rage qui doit encore nous animer aujourd’hui face à toutes les mesures antiécologiques et répressives prises par le gouvernement. Dans notre combat aujourd’hui, on doit prendre en compte ce qui s’est passé à Sivens et l’intégrer à notre lecture de l’écologie. On ne peut pas faire comme s’il ne s’était rien passé il y a un an, et dans ces conditions, on ne peut plus se dire écologiste sans être en colère.

    Jeanne Toutous pour le NPA Rennes