C’est désormais fait. L’Assemblée Nationale et le Sénat ont voté à une majorité écrasante le prolongement pour trois mois de l’Etat d’urgence. Par 551 voix contre 6 (3 écologistes et 3 socialistes) et 1 abstention (socialiste), les députés avaient adopté jeudi 19/11 un texte qui actualise et durcit la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence. Ce vendredi 20/11, le texte a été adopté à l’unanimité des suffrages exprimés, 11 membres du groupe communiste sur 19 et 1 sénatrice écologiste sur 10 s’abstenant.
Extension des assignations à résidence, surveillance électronique de suspects, dissolution de groupes et associations et blocage de sites internet sont quelques-unes des nouvelles mesures adoptées, ce à quoi s’ajoute l’autorisation de port d’arme par les policiers en dehors de leur temps de travail accordé entre Cazeneuve et les syndicats de la Police. Bienvenue au pays du tout sécuritaire…
« Ce projet de loi, c’est la réponse d’une France forte, qui ne plie pas et ne pliera jamais. C’est la réponse rapide d’une démocratie face à la barbarie. C’est la réponse efficace du droit, face à une idéologie du chaos », a déclaré Manuel Valls lors de sa présentation du projet de texte à l’Assemblée.
Et pourtant la démocratie semble être remisée loin avec ce paquet de mesures liberticides sans précédents. Le Premier Ministre a été obligé de reconnaitre que « L’état d’urgence, c’est vrai, justifie certaines restrictions temporaires aux libertés. Mais y recourir, c’est nous donner tous les moyens de rétablir ces libertés pleinement ».
Aucun des groupes, de la majorité comme de l’opposition, y compris ceux du Front de gauche ne se s’est opposé à ce projet de loi, désormais définitivement adopté par le Parlement. Plusieurs amendements qui durcissent le projet initial du gouvernement ont été intégrés. Les frictions qui ont marqué les débats de mardi à l’Assemblée semblent ainsi avoir été rangées au nom de « l’unité nationale » sous le signe du tout sécuritaire.
C’est donc bel et bien vers un état d’exception permanent que nous allons. Sous prétexte du combat contre la « menace terroriste », le Patrioct act à la française qui vient d’être voté implique une forte restriction des libertés démocratiques essentielles.
Quelques jours après les terribles attaques de vendredi dernier, nous pouvons d’ores et déjà constater que :
• Le coup porté aux mobilisations en cours et en particulier à Air France et chez les hospitaliers parisiens, empêchés de manifester alors même que les attaques contre lesquels les salariés de ces secteurs se battent ne sont pas quant à elles annulées montre déjà à quel point le gouvernement entend instrumentaliser les attentats pour établir une sorte de paix sociale dans un contexte où le retour d’une certaine radicalité ouvrière commençaient à inquiéter le pouvoir.
• L’utilisation du RAID pour l’évacuation d’un simple squat à Lille est à son tour un signe avant-coureur de la façon comme l’hyper-militarisation de l’espace publique pourra être utilisée pour réprimer bien au-delà des milieux suspectés d’être associées aux réseaux terroristes.
• La possibilité de blocage de tout site internet considéré comme « faisant l’apologie du terrorisme ou provoquant à des actes de terrorisme » ouvre la porte à des restrictions importantes des libertés de presse.
• Les dispositions sur la possibilité de dissoudre des groupes et associations est particulièrement dangereux dans la mesure où il permet une interprétation très large et donc une atteinte grave à la liberté d’association. Tout groupe ou association considérée comme participant « à la commission d’actes portant une atteinte grave à l’ordre public, ou dont les activités facilitent cette commission ou y incitent » pourrait donc être dissout.
L’approbation de ce texte constitue ainsi un pas de géant dans la marche vers un durcissement du régime et vers la restriction des libertés démocratiques les plus fondamentales. Le fait que ce texte ait pu être voté par les députés et sénateurs du Front de gauche (membres du PCF ou d’Ensemble) est particulièrement scandaleux. Le mouvement ouvrier devra riposter fermement et vite, en s’appuyant sur les déclarations de la confédération CGT, s’il ne veut pas se retrouver pieds et mains liées face à ce tournant.