Ce soir, l’abstention est une fois de plus énorme : près d’un électeur sur deux a considéré que ce scrutin et les partis qui se sont présentés ne sont pas une solution à la crise sociale, économique, politique. Pour autant, le résultat très élevé de l’abstention ne doit pas masquer le fait politique central et inquiétant de ce premier tour : la percée dans tout le pays du Front national qui arrive en tête dans près de la moitié des grandes régions.
Dans le contexte post attentats du 13 novembre, l’extrême droite profite d’une situation où la gauche aux affaires, droit dans ses bottes guerrières et sécuritaire met en œuvre la casse sociale depuis son arrivée au pouvoir en 2012, court après une droite toujours plus radicalisée et sous pression des idées nocives du Front national.
Surenchères de gauche et de droite n’en finissent plus de nourrir le terreau sur lequel prospèrent aujourd’hui les idées, et peut-être demain les politiques des pires ennemis du monde du travail, des catégories populaires.
Le combat contre le FN est indissociable de celui contre les politiques sécuritaires, racistes, militaristes, antisociales, d’où qu’elles viennent, en premier lieu quand elles viennent de celles et ceux qui gouvernent. Ces prochaines semaines, c’est dans la rue et les mobilisations, pour la défense des droits démocratiques et de la solidarité, contre la régression sociale, qu’il faudra engager la riposte.
Régionales : un avertissement, une menace
Marine Le Pen a donc récolté le succès annoncé pour son parti : les fruits pourris de la politique anti-ouvrière et réactionnaire du gouvernement Hollande-Valls. Avec 30 % des voix, en tête dans 6 régions, le FN devient le premier parti de ce pays sur le plan électoral et peut plastronner avec arrogance et cynisme en jouant aux démocrates représentant le peuple. Ces étranges élections qui se sont déroulées dans un climat dominé par les suites du drame des attentats de Paris, l’état d’urgence, l’offensive sécuritaire et militariste du gouvernement, la guerre sur fond d’austérité et de montée du chômage, sanctionnent la gauche comme la droite.
Gauche et droite rejetées
Cette sanction est double, l’abstention et le vote FN. Un électeur sur deux n’a pas jugé utile de se déplacer pour aller voter parce qu’ils n’attendent plus rien d’un système politique où ils ne sont pas représentés. Pourtant, droite comme gauche avaient multiplié les appels pressants à voter pour faire obstacle au FN. Ils n’ont fait que l’aider, tant ils sont déconsidérés, tant ils n’ont rien à répondre au mécontentement et au ras le bol suscités par leur politique, tant ils ont cherché à faire du FN leur faire valoir. Ces partis qui depuis près de 40 ans se succèdent au pouvoir pour organiser la régression sociale, l’offensive contre le monde du travail et les classes populaires pour le plus grand profit du patronat et des banques sont disqualifiés. Face à leurs électeurs, susceptibles d’être tentés par le vote FN, ils n’avaient que morale et culpabilisation à la bouche comme si ce n’étaient pas eux qui avaient nourri, par leur politique, la propagande chauvine, réactionnaire, xénophobe et raciste du FN. Ils ont préparé le terrain du succès du FN en reprenant à leur compte la même démagogie.
Hollande et Valls responsables
Les Républicains et Sarkozy y ont pris une large part. Ils ont voulu capter l’électorat de l’extrême droite en rivalisant avec Le Pen et ils ont envoyé leurs propres électeurs dans ses bras. Le gouvernement Hollande-Valls porte une lourde responsabilité de par la fuite en avant réactionnaire et anti-démocratique qui a été la sienne au lendemain des attentats des terroristes intégristes. L’état d’urgence, la guerre, la campagne xénophobe contre les musulmanEs et contre les migrantEs orchestrée par le gouvernement, ont été autant d’arguments pour le vote Le Pen. Hollande et Valls ont repris à leur compte la politique sécuritaire du FN.
Un avertissement, une menace
La politique défendue par Le Pen loin de répondre aux besoins des classes populaires, à leur mécontentement est tout entière dirigée contre elles. Comme Les Républicains ou le PS, le FN ne rêve que d’accéder au pouvoir pour servir les intérêts des classes dominantes. En pire, plus brutalement pour accentuer l’exploitation, diviser les travailleurEs alors que la crise du capitalisme perdure et s’approfondit.
Sa démagogie xénophobe et raciste vise directement l’ensemble du monde du travail. Quand Le Pen ose dénoncer le risque de voir « la charia remplacer notre Constitution » elle n’y croit pas un instant mais flatte les peurs pour désigner les musulmanEs, tous les immigréEs, les salariéEs d’origine étrangère à la vindicte populaire pour mieux servir sa classe, les riches et les possédants, le patronat. La « priorité nationale » n’est qu’une dangereuse formule démagogique qui signifie priorité aux intérêts des patrons et des banques.
En aggravant la politique sécuritaire et militariste que mène le PS, en développant une propagande raciste, loin d’apporter des réponses à la crise, le FN ne fait qu’aggraver les tensions, le chaos. Loin d’apporter une réponse au fondamentalisme religieux, sa démagogie le nourrit, ils sont les uns comme les autres nos pires ennemis.
Construire la réponse des travailleurEs
La politique du PS entièrement dévouée aux classes dominantes, l’incapacité des forces du Front de gauche à rompre réellement avec lui laissent à gauche un véritable champ de ruines. Le PS espère sauver la mise en prenant la pose du parti le plus anti-FN en sacrifiant ses listes en PACA, dans le Nord et dans l’Est au profit de la droite qui, elle, ne veut « ni fusion ni retrait » ! Il espère ainsi sauver ce qu’il pourra dans les autres régions ! Cette gauche politicienne ne représente plus en rien les classes populaires. Elle manœuvre sur le terrain électoral mais ne tire aucune conclusion de son effondrement. Le gouvernement entend bien poursuivre et accentuer sa politique qui a fait le lit du FN.
C’est bien pourquoi conjurer la menace que représente l’extrême-droite, c’est aussi combattre la politique dont il se nourrit pour défendre nos droits sociaux et démocratiques, par nos luttes et nos mobilisations, sur le terrain social et politique. C’est rassembler toutes celles et ceux qui, au sein du monde du travail et de la jeunesse, refusent l’austérité et le chômage, l’état d’urgence et la guerre, le racisme et la xénophobie. De ce point de vue, les listes présentées par Lutte ouvrière pour lesquelles le NPA a appelé à voter réalisent des scores entre 1 et 2 %, qui attestent de l’existence dans ce pays d’un courant certes très minoritaire mais qui pourra compter demain.
La victoire du FN, c’est d’abord l’effondrement des partis de la régression sociale, Les Républicains et le PS. Elle représente une menace mais si nous savons entendre l’avertissement pour nous rassembler, unir nos forces pour reprendre l’offensive, alors cette victoire pourrait n’être qu’un mauvais moment.
Yvan Lemaitre