Alors que la vague de compassion internationale suscitée par la publication de la photo du cadavre du petit Aylan bouscule les opinions publiques, contraignant les gouvernements allemands et français à sortir de leur mutisme sur le dossier des migrants, le banc et l’arrière-banc des forces les plus racistes et xénophobes d’Europe, Front national en tête, se déchaînent...
A Varsovie le week-end dernier, un rassemblement antimigrants de plusieurs milliers de personnes regroupées derrière une banderole, « l’Islam c’est la mort de l’Europe », se transforme en chasse à l’homme, un immigré étant roué de coups. Des manifestations à la même tonalité se sont également tenues à Prague et à Bratislava (appelée par le parti fasciste Parti du Peuple Notre Slovaquie). À Douvres, le rassemblement de la Ligue de défense anglaise et du National Front s’est fort heureusement heurtée à la mobilisation des antifascistes.
Certes, et heureusement, ces rassemblements racistes et xénophobes restent sans commune mesure avec les manifestations de solidarité aux réfugiés de Londres ou de Copenhague qui ont réuni des dizaines de milliers de manifestants, mais elles doivent nous alerter sur le danger mortel de les laisser occuper la rue, comme ce fut le cas en France lors de la séquence des Manifs pour tous.
Jamais le Front national n’aura connu pareille aubaine que cette crise politique créée par la question des migrants. Celle-ci lui donne l’occasion de cracher son venin raciste et nationaliste. Loin des discours lénifiants qui firent les beaux jours de la « dédiabolisation », Marine Le Pen, omniprésente sur les plateaux télés et sur les radios, tient depuis quelques jours des propos que ne désavouerait pas son ami Viktor Orban, Premier ministre de Hongrie...
En comparant les flux de migrants (« l’invasion migratoire ») aux invasions barbares du IVe siècle qui ont mis fin à l’empire romain, en prônant la suspension immédiate des accords de Schengen et la fermeture des frontières, la dirigeante du FN ne fait pourtant que reprendre les ficelles les plus usées d’un programme frontiste qui clame depuis sa naissance sa haine des immigrés. La théorie du « grand remplacement » n’est rien d’autre que la déclinaison moderne du « Halte à l’immigration sauvage » des années 70. La stigmatisation des migrants, « fraudeurs » accédant à une Europe devenue le « supermarché des droits sociaux » n’est pas non plus une nouveauté.
On peut sourire lorsque Marine Le Pen prétend qu’Éric Zemmour ferait un bon ministre de la Culture, s’esclaffer des énormités proférées par Nadine Morano, railler les pitreries du maire de Béziers qui, affublé de son écharpe de maire, vient insulter des migrants, leur signifiant qu’ils ne sont pas les bienvenus, ricaner du ralliement au FN du dirigeant des jeunes actifs des Républicains... Mais le cynisme et la relativisation sont souvent l’expression de l’impuissance.
Les anticapitalistes ont une responsabilité politique immense dans l’issue de la bataille engagée en soutien aux migrants. De notre capacité à organiser la riposte aux offensives actuelles de l’extrême droite pourrait bien dépendre notre avenir politique.
Alain Pojolat