La loi Macron n’est même pas sortie du Parlement que la loi Rebsamen est déjà sur le point d’y entrer, avec son nouveau cortège d’attaques contre les droits des travailleurEs...
Cette fois, c’est le droit des salariéEs à se défendre et à se mêler des affaires du patron qui est dans le collimateur du gouvernement. À l’origine du projet, il y a l’hiver dernier l’échec de la négociation entre patronat et syndicats, au cours de laquelle le Medef a cherché à imposer le « conseil d’entreprise », instance de représentation du personnel fusionnant délégués du personnel (DP créés en 1936), comité d’entreprise (CE, 1945) et comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT, 1982).
Rebsamen avait annoncé il y a un an son souhait d’en finir avec les « seuils sociaux », les seuils d’effectifs à partir desquels se déclenchent les obligations d’élire des représentants du personnel (soit 11 salariéEs pour les DP et 50 pour le CE et le CHSCT). Aujourd’hui, il exauce en grande partie la revendication patronale.
Dans les entreprises de moins de 300 salariéEs, le patron pourrait sur sa seule décision fusionner CE, DP et CHSCT dans une seule et unique instance. Dans les entreprises de plus de 300 salariéEs, cette possibilité serait ouverte par voie d’accord collectif. À la clé, c’est évidemment la baisse du nombre d’éluEs et d’heures de délégation pour assurer le mandat ou aller discuter avec les salariéEs qui est en jeu. Et aussi moins de salariéEs protégés, les salariéEs qu’on ne peut licencier sans autorisation de l’inspection du travail.
La santé et la sécurité à la trappe ?
Le déroulement des réunions et leur contenu seraient également modifiés. L’instance unique se réunirait 6 fois par an et l’ordre du jour traiterait de tous les sujets : réclamations des salariéEs, conditions de travail, choix économiques de l’entreprise. Le risque est que les questions de santé et de sécurité, auparavant discutées dans une instance propre, passent à la trappe et se soumettent aux impératifs économiques. Le projet de loi prévoit également de raccourcir les délais de consultation, de regrouper les thèmes de consultation pour faire moins de réunions – avec parfois un avis unique comme sur les restructurations là où il fallait auparavant consulter séparément CE et CHSCT. De même, le CE ne serait plus consulté sur les accords d’entreprise. Enfin, Rebsamen prévoit de regrouper les thèmes de négociation obligatoire et d’élargir les possibilités de négocier sans délégué syndical.
Au passage, le ministre du Travail a commis une grosse bourde en supprimant les informations dues au CE sur l’égalité femmes-hommes. Devant le tollé des associations féministes, il a dû promettre en toute hâte qu’un amendement serait déposé pour les rétablir. Toutefois, la négociation annuelle sur l’égalité (au contenu certes assez formel) risque bien de se trouver noyée dans une vague négociation « sur la qualité de vie au travail », nouveau concept patronal visant à faire oublier les obligations en matière de prévention de la santé.
En contrepartie, la loi instaure des commissions régionales paritaires pour les entreprises de moins de onze salariéEs, dépourvues de tout représentant du personnel. 10 sièges seront réservés aux syndicats selon leur audience. Mais les déléguéEs n’auraient que 5 heures de crédit par mois et n’auront surtout aucun droit d’accès aux entreprises. C’est pourtant là que le bât blesse, puisque la CGT y voit une avancée. Pour la préserver, elle a annoncé qu’elle ne s’opposerait pas à la loi et se contenterait de faire du lobbying parlementaire sur le reste... quitte à brader 80 ans de conquêtes sociales.
Le comité inspection du travail – Pôle emploi Île-de-France