Trois mois seulement se sont écoulés depuis les terribles attentats des 7 et 9 janvier et les manifestations énormes en mémoire des victimes et en défense de la liberté d’expression... Et les députés devraient adopter ce 5 mai la loi sur le renseignement !
C’est une véritable armada politique et administrative lancée contre nos libertés et droits fondamentaux. Retour sur la transformation en voie d’achèvement d’un État prétendument de droit en un État policier.
De « L’esprit du 11 janvier »...
Il y a quelques semaines, les manifestations spontanées exprimaient à la fois l’empathie pour les victimes, la conscience de la barbarie de ces événements, le besoin d’être ensemble, bref une immense émotion collective. Surfant sur celle-ci, Valls dans son discours du 13 janvier se faisait à l’époque très lyrique : « Paris, capitale universelle de la liberté et de la tolérance. La démocratie qu’on a voulu abattre, ce sont les débats, les confrontations. La meilleure des réponses au terrorisme, c’est le droit, c’est la démocratie, c’est la liberté... »
Un beau discours immédiatement suivi par un tournant sécuritaire et répressif : 122 000 personnels de sécurité occupent le territoire ; le plan vigipirate niveau attentat permet, d’entourer les quartiers en zone sensible, ce qui laisse supposer que ces quartiers représentent une dangerosité particulièrement élevée pour la sécurité des citoyens ; multiplication des arrestations et gardes à vue, des condamnations, y compris de personnes malades psychiquement... Et au-delà, une remise en cause concrète du droit de manifester, comme à Toulouse par exemple : manifestations sous contrôle policier, centre ville interdit à la contestation, arrestations systématiques dans plusieurs villes et ZAD, et même condamnations à des peines de prison ferme pour certains, dont notre camarade Gaétan.
Et dans le même temps, et sans surprise, le nombre d’actes antisémites et de racismes contre les personnes de confession musulmane ou supposée telle explose... Sur le fond, « l’esprit du 11 janvier », c’est l’unité nationale décrétée par le gouvernement pour faire passer la violence sociale contre nos acquis. Elle ne peut tolérer de contestation sociale et politique, il faut donc criminaliser celle-ci pour la museler.
… Aux mesures d’exception qui deviennent le droit commun
Les dates du passage devant l’Assemblée nationale ont été bien choisies, quelques semaines après une élection qui a consacré la prégnance du FN et des idées populistes et xénophobes, dans un climat où le risque d’attentat est présenté comme le cataclysme majeur. Débattue en procédure d’urgence, elle n’a réuni que 50 députés dans l’hémicycle, et les rares députés récalcitrants ont été sommés de filer doux par un Valls plus péremptoire que jamais : « certains députés ont le sens de l’État, d’autres un peu moins par moments »...
Censée lutter contre le terrorisme tout comme une partie des 25 lois sécuritaires votées depuis 15 ans, cette loi est avant tout liberticide. Elle légalise et multiplie des méthodes dignes de barbouzes. Contre les 3 000 personnes plus ou moins suspectées (?) de tentation terroriste, ainsi que leurs famille, amis et voisins, tous les moyens de flicage deviennent légaux : écoutes au domicile ; géolocalisation par pose de valisettes sous les véhicules ; installation de boîtes noires chez les opérateurs et hébergeurs de site munies d’algorithmes chargés de détecter des comportements atypiques de la population mais typiques des terroristes (!) ; pose de fausses antennes relais capables de capter toutes les conversations des habitants sur un rayon de 500 m. Tout cela sans aucun mandat judiciaire, tout ce pouvoir d’espionnage étant entre les mains du Premier ministre : une véritable fusion des différents pouvoirs, sans possibilité de mise en œuvre de contre-pouvoirs. Un État qui écoute secrètement tout le monde est bien un État policier.
La loi est étendue à des champs tellement vastes que son domaine est quasi illimité : la politique étrangère, les intérêts économiques et industriels de la France, la prévention des violences collectives pouvant remettre en cause la paix publique... Le secret défense va continuer de protéger les OPEX (les « opérations extérieures », l’autre nom de la guerre...), ainsi que les barons de l’industrie et leurs actionnaires, car ce qui est vraiment attaqué par ce projet, ce sont bien nos droits fondamentaux à une vie privée et à la protection de nos données, à la critique et à la manifestation, bref à la contestation, à la rébellion.
Contre ce gouvernement liberticide, mobilisation !
Roseline Vachetta