Aujourd’hui, le témoignage de Mariken, militante d’Un Toit c’est Un Droit et du Groupe Logement du 14 octobre à Rennes. Bénévole, certes, mais engagée pendant plusieurs semaines dans l’organisation de l’aide alimentaire à Rennes : un vrai travail socialement utile, même si pour le faire elle n’a perçu aucun salaire. A cet égard, on peut dire qu’elle nous donne une « parole de travailleuse » en période de confinement !
Mariken, en quelques mots…
J’ai 31 ans, et je suis ce qu’on appelle une saisonnière. Je travaille sur les cueillettes. Il m’arrive aussi de faire la saison des chiens de traîneaux, dans le nord de la Suède, en Laponie. Je suis militante à UTUD, depuis un moment déjà, mais là, depuis le début de la période de confinement, je suis devenue livreuse alimentaire, bénévole, militante, avec les associations, en particulier le « Secours Populaire ». Ensuite, je redeviendrai saisonnière, et bien sûr je continuerai à militer !
L’aide alimentaire, pourquoi, comment ?
Dès le début de la période de confinement, de militant.es à UTUD ou au GL1410 on est devenu.e des livreur.euses en aide alimentaire, parce que dès que toutes les grandes assos d’aide ont fermé, on a perçu immédiatement le problème, parce qu’on est sur le terrain. Alors les assos de l’interorgas* ont craint le pire, et on a organisé, avec « Coeur résistant » le système pour livrer les gens chez eux, dans les hôtels, au manoir… On reçoit des denrées, on les nettoie, désinfecte, reconditionne, et on les distribue avec nos véhicules personnels. Tout ça s’est fait un peu à l’arrache, mais on a assuré… Ce qui est super, c’est que en plus des militant.es, ça a impliqué des dizaines de bénévoles, souvent très jeunes, mais aussi de tous les âges. On a même eu des dizaines de volontaires en plus de ce que l’on pouvait faire fonctionner.
Au début, on a livré les lieux qu’on connaissait, via les assos, puis la mise en place, par l’interorgas, du site https://rennescovidsolidarite.info/ a été le moyen de s’organiser, de permettre aux gens de demander de l’aide ou d’offrir du temps. Alors on peut dire qu’on est venu en aide à environ 1000 personnes par semaine !
Et les pouvoirs publics ?
Ce qui est frappant, c’est le décalage entre la prise de conscience immédiate des enjeux par les militant.es, et l’inaction des pouvoirs publics, mairie, état. Ils ont été totalement absents au début ! Il a fallu leur courir derrière ! La mairie a fini par mettre deux écoles à disposition pour organiser nos livraisons, mais pas un camion, pas un chauffeur ! Pour te dire le décalage, ils ont apporté pour les enfants des couches provenant des EHPAD, taille adulte… La préfecture a fini le relogement des habitant.es du squat des Veyettes (exilé.es sans abri)… le 10 avril, plus de trois semaines après le début du confinement !
Du début à la fin, on a du faire sans leur aide ! Tout ce qu’on a fait, on l’a fait uniquement avec nos propres moyens, nos véhicules – avec juste l’aide de grosses assos – en payant notre carburant. Moi j’y ai laissé le moteur de mon auto ! Ils sont allés, via la SIAO (coordination des assos institutionnelles, sous la tutelle de la Préfecture) jusqu’à nous menacer, exiger la fermeture de notre site, parce que l’on relayait leurs infos ! Comme si leurs infos leur appartenaient… Quand il s’agit d’aider les gens…
As-tu la sensation d’avoir fait le boulot à leur place ?
Bien sûr qu’on a fait le boulot à leur place ! Et gratuitement, en plus ! Mais si on le fait, c’est parce qu’il n’est pas fait, et qu’on peut pas laisser les gens comme ça ! C’est rageant, parce que pendant ce temps là, on est moins sur le terrain politique… Mais c’est politique, non ? D’ailleurs, sur le logement, c’est pareil !
Et après, comment tu vois les choses ?
Pas mal de gens disent que ça va changer, moi je ne suis pas convaincue… Je crois que ça va être comme avant. Regarde, les gens mis à l’abri dans les hôtels on annonce leur sortie massive pour les jours qui viennent, ils ont même déjà commencé à mettre les gens dehors !
Sans doute qu’on a les moyens de faire que ça bouge, mais il faudrait être plus nombreux ! Le côté positif, c’est tous les jeunes qui se sont engagé.es dans l’aide avec nous, si on pouvait les retrouver dans nos bagarres à venir…
Mais tu sais, j’y reviens… C’est discutable, de faire ou de pas faire à leur place… mais jamais ça nous empêche de dire les choses, et puis, ce qui est sûr, c’est que de pas le faire, ça m’affaiblirait, ça nous affaiblirait !
* Collectif inter-organisations de soutien aux personnes exilé.es de Rennes, comprenant des dizaines d’associations (Planning familial, UTUD, MRAP, CCFD, GL1410, …) d’organisations syndicales (CGT, CNT, FO – SDAS, FSU, Solidaires) et de partis politiques (Ensemble !, FI, NPA, PCF, ...)