La Prévalaye est une large étendue à dominante naturelle située à la lisière de Rennes, composée de vastes espaces humides qui bordent des petits hameaux paysans et des champs agricoles. On y trouve aussi des jardins familiaux entretenus par les citadinEs, le tout étant entrecoupé par des bosquets et des étendues d’eau de toutes tailles. Cet espace, autrefois domaine du château de la Prevalaye, semble être un témoin de la colonisation urbaine progressive de la métropole, qui se matérialise notamment par l’ouverture de la rocade, en 1975, actuel versant est de la zone. C’est donc un modèle urbain relativement nouveau qui prend forme à la Prévalaye : contrairement à l’organisation citadine traditionnelle où, pour aller du centre-ville à la campagne, il faut passer par des périphéries ghettoïsées puis par des zones industrielles plus ou moins déshéritées, ici le lien ville-campagne est restauré. En effet les jardins familiaux, cultivés par les habitantEs de la ville, et les autres activités agricoles entraînent une cohabitation entre les rennaisEs et les paysanEs maraîcherEs, et une coopération, notamment dans une optique de circuit-court assez inédite. Cela pose l’enjeu de l’appropriation collective de ces lieux naturels, en faveur des intérêts humains, loin de la logique de profit qui façonne traditionnellement l’organisation urbaine.
Cette gestion citoyenne, sociale, et écologique engendre un fourmillement culturel très important. Educ’ pop’, conférences, concerts… les personnes qui s’y engagent montrent l’importante signification politique de la Prévalaye. Pami les nombreuses initiatives, le festival « Du champ à l’assiette » rend hommage chaque année à ce morceau de nature qui fait de la résistance. De la même façon, le « Festival des oiseaux de passage » compte bien promouvoir la culture populaire pour se dresser en rempart à la culture dominante qui, elle, fait un véritable travail de liquidation des autres formes de culture, de divertissement, d’art et de relations sociales… La Prévalaye est un de ces rares lieux où c’est la dynamique populaire qui rythme le quotidien, donnant à voir la force et la cohésion que peuvent amener une prise en main collective de l’espace public, notamment pour son rôle d’inclusivité, puisque tout le monde peut y trouver sa place, petitEs et grandEs.
La Prévalaye entre donc en résistance face au capitalisme qui, insidieusement, envahit et corrompt tout sur son passage. Aujourd’hui c’est frontalement que les deux conceptions s’opposent. La métropole a sonné le début des hostilités, en décidant unilatéralement d’installer des aménagements urbains : la tonte de pelouses destinées à des activités sportives, puis la construction d’une piste goudronnée, barrant littéralement l’espace naturel et qui, d’après les observations, aurait déjà un impact sur les écosystèmes, notamment sur les populations de crapauds et salamandres. La métropole semble vouloir reprendre la main sur sa possession, en faisant fi de l’organisation citoyenne en place. Mais ce qui a mis le feu aux poudres est le projet d’extension du centre d’entraînement du stade rennais, qui doit empiéter à hauteur de 3,6 hectares sur des zones agricoles. Cette double menace semble finalement n’en faire qu’une, qui oppose une gestion collective citoyenne, qui fait évoluer l’espace en prenant toujours en compte les données écologiques, et une conquête verticale du territoire via une alliance entre les éluEs, notables de la ville, et les intérêts capitalistes inhérents à l’industrie du football, ici la tristement célèbre famille Pinault, propriétaire du SRFC.
Pour mener à bien ce projet, il leur faut tenir à distance l’avis des principaux concernés. Cependant, pour nourrir l’illusion démocratique,(peut être pour faire oublier l’absence de concertation au sujet de la piste goudronnée) un « Comité de gestion de la Prévalaye » a été mis en place, incluant quelques représentantEs des usagerEs du site. En réalité le projet était déjà entériné, après négociations entre les éluEs et le SRFC, le comité ne pouvant intervenir dans la discussion qu’à la toute fin du processus. Mais le couple mairie-Stade Rennais ne s’est pas contenté de ce faux-semblant de démocratie pour mener à bien le projet : c’est tout un mécanisme d’instrumentalisation qui a été mis en place pour l’occasion.
D’abord, une campagne de Greenwashing : le stade Rennais se porte garant de l’utilisation, pour les structures, de matériaux bio sourcés, ou encore de toitures végétalisées… Mais ces maigres béquilles n’empêchent en rien la destruction des sols et des écosystèmes qui y sont liés. Car la catastrophe, ce n’est pas seulement l’artificialisation de 3,6 hectares de sols, c’est aussi toute l’activité humaine induite, avec son lot de pollution lumineuse, sonore, les aménagements connexes, le passage… Comble de la mascarade, le projet prévoit la plantation de 1000 arbres... ailleurs ! Cela résume parfaitement l’écologie bourgeoise, validée et promue par les élus EELV de la ville : une écologie de compensation. Non, une vraie écologie c’est la confrontation des besoins humains et des dangers écologiques qui y sont liés de manière directe, afin d’évoluer en coexistence avec la nature, et certainement pas compenser la destruction d’une zone en plantant des arbres dans une autre !
La majorité municipale va encore plus loin dans l’affront en invoquant, pour soutenir le projet, l’argument bidon d’une soi-disant « dimension féministe » : la création d’une équipe féminine du stade Rennais ! La simple idée que la création de cette équipe serait conditionnée par l’ouverture de ces nouveaux terrains d’entraînement montre le peu de considération pour nos luttes de la part de ce tandem Métropole-Pinault.
Depuis l’annonce de ce projet, le monde militant lié à la Prévalaye s’est mis en musique pour dire stop à la destruction d’un des derniers espaces épargnés par la logique capitaliste. Le Collectif de Sauvegarde de la Prévalaye s’est ainsi posé au centre du combat écologiste, et la Prévalaye a été le point d’arrivée de la grande manifestation pour le climat en septembre, tout en restant fidèle à sa tradition culturelle par l’organisation d’activités populaires pour toutes et tous. Le 10 Janvier, tout le site de la Prévalaye était décoré des revendications des acteurs et actrices, et le rassemblement a permis d’élaborer collectivement, démocratiquement, la suite de la lutte. Cela s’est ensuite concrétisé par la « Plantation Rébellion » du 31 janvier, au cours de laquelle ont été plantés 500 arbres dans la zone menacée. La résistance populaire face à l’empire du foot-business va devoir tenir ! A nous, écologistes conséquents et anticapitalistes d’élargir le rapport de forces, de renforcer la lutte pour gagner ! Le NPA y prendra toute sa part.